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24/03/2009

Le Pape, le sida et la presse camerounaise (3/4)

Deux articles maintenant dont les auteurs vont directement défendre les propos du Pape sur la lutte contre le sida. Le premier aurait certainement été censuré dans les médias français, et son auteur sacrifié au bûcher des droits de l'Homme et de la tolérance. Mono Djana, philosophe réputé au Cameroun pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, fait preuve de son habituelle truculence.

Tout compte fait, le pape n’a pas tort

mono ndjana.JPGLa déclaration du Très Saint Père, faite à brûle – pourpoint à son arrivée en terre Camerounaise le 17 mars 2009, quant à la distribution des préservatifs qui aggraverait le problème du Vih/Sida, a suscité un tollé de véhémentes protestations presque partout dans le monde. On peut même parler d’une indignation planétaire, d’une consternation outrée de la part des personnalités politiques de premier plan, de la gauche comme de la droite, des ONG et des médecins avec ou sans frontières. Quelque part, on l’a même taxé d’un conservatisme attardé. Eux sont donc progressistes, apôtres du condom protecteur, bouclier des preux chevaliers de la guerre internationale de libération sexuelle.

Le nihilisme de la postmodernité

Ce courant de pensée participe en effet de la négation des grandes valeurs qui sont au fondement de la civilisation judéo-chrétienne, et, corrélativement, de la promotion d’une idéologie libertaire qui piétine l’éthique traditionnelle. Si Dieu est mort, tout est permis, disait Raskolnikov. Nos bien-pensants se sont d’abord livrés à la mise à mort de Dieu pour tout se permettre. Pour écarter la norme et normaliser l’écart dans lequel ils se sont joyeusement installés. Quiconque rappelle la norme dans cette griserie anomique apparaît comme un attardé. En un certain sens, le Souverain Pontife a sonné le glas et la fin de la récréation pour rappeler aux noceurs pervers les normes de l’éthique sexuelle. Et en cela il n’avait pas tort.

Le principe éducation et responsabilité

C’est d’éthique en effet qu’il est fondamentalement question. L’humanité a besoin de femmes et d’hommes sains d’esprit et de corps, qui considèrent les organes de la procréation comme des parties sacrées du corps qui, par conséquent, méritent le plus grand respect, au lieu qu’on les prenne, comme cela se passe aujourd’hui, pour de simples machines à plaisir. L’anthropologie africaine par exemple, tout comme d’ailleurs l’anthropologie des autres traditions, s’oppose totalement à cette banalisation du sexe, qu’on oblige de revêtir toute sorte d’objets en plastique dans la perspective unique de la sensualité. Pour respecter le planning familial, nos parents, qui ne s’encombraient pas de la problématique des périodes fécondes et des périodes non-fécondes, s’abstenaient tout simplement pour un espacement des naissances raisonnable.

La doctrine du Vatican est constante sur ce point, et ce n’est pas du conservatisme. Elle consiste à éduquer les enfants à l’abstinence avant le mariage, puis à la fidélité, au lieu de se laisser emporter avec légèreté à la tentation de la facilité par une universelle distribution des préservatifs. Si je me mets par exemple à distribuer des préservatifs chaque matin à mes enfants, sous prétexte que la mode le recommande, cette extrême sollicitude ne signifierait rien d’autre que leur enseigner une licencieuse philosophie du corps : vous avez le condom, ne vous privez plus. Il ne s’agirait là, ni plus ni moins, que d’une abdication des adultes devant leurs obligations morales vis-à-vis de leur progéniture qui se voit ainsi expédiée dans les joutes de la dépravation. L’éthique chrétienne ne permet pas cette défaite de la pensée qui fait comme si la course vers le sexe était d’une fatalité inexorable, à la manière d’un fleuve qui court fatalement vers la mer. Une force qui va. Non. L’élan sexuel peut et doit se canaliser. Ce qui favorise la propagation du Sida, ce n’est pas la condamnation du préservatif, mais l’extrême licence sexuelle développée par l’idéologie libertaire.

Quand le Pape parle de l’aggravation du problème, on peut présumer par ailleurs que le fait d’empocher des milliards et des milliards de Dollars est ce qui empêche les industries des préservatifs de financer plutôt la recherche sur le Sida. Plus on privilégie le capitalisme dans ce secteur, moins on renforce la recherche, et plus le mal s’aggrave avec la conséquence de la décimation des populations vulnérables. Les campagnes surmédiatisées pour les préservatifs ne sont donc, finalement, que de l’opium pour peuples vulnérables, non sans compter que les substances dont s’enduit les petits cylindres gonflables se trouvent déjà soupçonnées de porter des germes incertains. La condamnation de la condamnation du Pape apparaît en définitive comme une forme de terrorisme idéologique qui veut étouffer toute pensée contraire.

(...)

Hubert Mono Ndjana, La Nouvelle Expression, 20 Mars 2009

Nous n'avons sélectionné de cet article uniquement ce qui concernait la déclaration du Pape. L'auteur évoque ensuite, de manière qui pourrait choquer les esprits en France, l'homosexualité. Ce n'est pas inintéressant d'un point de vue sociologique, mais hors de propos en l'occurrence. Le second article, qui donne la parole aux potentiels défenseurs du Pape, est plus consensuel à des yeux européens – ce qui n'est pas difficile. Il s'agit tout simplement de la réaction d'évêques camerounais. Ceux-ci soutiennent la position du Vatican ou condamnent la médiatisation de l'affaire, dans laquelle certains croient même reconnaître une forme de néocolonialisme (comme Jean-Marie Benoît Balla, évêque de Bafia).

Des évêques réagissent à la position de Benoît XVI sur l’usage du préservatif.

Samuel Kleda, évêque co-adjuteur de Douala : « C’est la position de l'Église »

Le Saint Père n’a que réitéré la position de l'Église. Il est impossible que nous encouragions l’utilisation du préservatif, pour lutter contre la Sida. Elle a toujours prescrit deux voies pour une lutte efficace contre cette pandémie ; l’abstinence et la fidélité. Si l’on s’abstient des rapports, on barre carrément la voie au Sida. Pour les personnes déjà infectées par le virus, la meilleure solution, c’est de s’abstenir. A ce moment-là, le couple doit vivre comme frère et sœur. On ne peut pas présenter le préservatif comme un moyen pour freiner l’évolution du sida.

Jean-Marie Benoît Balla, évêque de Bafia : « Les médias ont voulu détourner les Africains »

L’utilisation du préservatif n’a pas fait de problème ces derniers jours. Ce sont les médias qui ont voulu détourner les Africains du sens de la visite du pape au Cameroun. Au lieu de parler du message que le Saint Père a adressé à l’Afrique, ils se contentent des choses dont ils ont parlé pendant le voyage, des causeries qu’ils ont eues avec le pape dans l’avion. Nous ne sommes plus à ce stade où, à partir de l’Occident, on doit dire ce que l’Afrique doit entendre. Nous sommes assez mûrs pour savoir ce que le Saint Père a à nous dire et l’apprécier nous-mêmes. Nous refusons le néo-colonialisme.

Jérôme Owono Mimboé, évêque d’Obala : « Le préservatif, la voie ouverte au libertinage sexuel »

En diffusant une information, les médias ont un objectif. C’est indigne, la quantité de méchancetés et de faussetés que certains disent sur le pape. Mais, sur la question du préservatif, le Saint Père ne peut avoir que cette position. On peut le tuer pour ça ou faire autant avec nous, le pape ne peut pas changer d’avis. Il se base sur la morale qu’il nous enseigne et que nous partageons avec lui. Elle stipule que l’homme n’est pas libre de faire n’importe quoi. Dire aux gens d’utiliser le préservatif, c’est ouvrir la voix au libertinage sexuel, au dévergondage sexuel. La tendance moderne veut que l’homme soit libre de poser les actes qu’on veut : peut tuer ou non, faire avorter une femme ou non.

Immanuel Bushu, évêque de Buéa : « Pas de démocratie sur l’usage du préservatif »

La question de l’usage du préservatif est une question morale qu’on ne peut pas évoquer avec légèreté. Il ne peut avoir de démocratie sur l’usage du préservatif. Le pape a simplement donné la position de l’Eglise catholique qui vient de la parole de Dieu. L’Eglise catholique ne peut pas changer sa position  sur l’usage du préservatif.

Cornelius Fontem, évêque de Bamenda : «Il ne faut pas faire la promotion du préservatif »

Le pape a raison de dire que la pandémie du Sida ne pourrait être stoppée tant qu’on fait la promotion du préservatif. Elle ne peut pas être réglée de la sorte. Surtout en milieux jeunes, la tranche sociale la plus touchée.  J’ai des cas dans mon diocèse qui montrent que la situation va empirer si l’on n’adopte pas la position de l’Eglise.

Alvert Vonbuel, évêque centrafricain : « Le pape n’a pas dit exactement ce que les journalistes ont diffusé »

Le pape n’a pas dit exactement ce que les journalistes ont diffusé. Le Saint Père a plutôt dit que ce n’est pas seulement le préservatif qui va résoudre le problème du sida. Les journaux ont seulement relayé « pas de préservatif », et tout le monde parle de ça aujourd’hui. L'Église sait que, dans la lutte contre la sida, l’engagement dans la fidélité est plus important que l’usage du préservatif.

François Xavier Amara, chapelain de sa sainteté : « L’église n’a jamais accepté l’usage du préservatif ».

Le pape Benoît XVI n’est pas le premier à parler du préservatif. Son prédécesseur, Jean Paul II l’avait déjà fait. Il avait interdit l’utilisation du préservatif. Je ne sais pas pourquoi la déclaration du pape Benoît XVI fait tant de bruit. Est-ce parce qu’il l’a dit publiquement pendant son voyage en Afrique. L’église n’a jamais accepté l’usage du préservatif. Le problème se pose sur le comportement de notre jeunesse qui se laisse aller, à cause du préservatif. Elle fait n’importe quoi. Est-ce normal ?

Propos recueillis par Cathy Yogo et Adrienne Engono, Le Jour, 19 mars 2009

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23/03/2009

Le Pape, le sida et la presse camerounaise (2/4)

Le refus d'une dénonciation catégorique dans la presse

Ce qui va marquer dans la presse écrite privée camerounaise, c'est le refus d'une dénonciation catégorique des propos du Pape. Certes, les réactions ne seront jamais neutres, tant celles des professionnels laïcs de la lutte contre le sida que celles de l'Église ou du citoyen lambda. Nous commençons par des réactions venant de personnes qui considèrent le préservatif comme un outil de lutte contre la propagation de la maladie, en l'occurrence une professionnelle de la prévention contre le sida, Anne Bihina Perrot, directrice nationale de Care Cameroun, interviewée dans les colonnes du quotidien Mutations. Cette interview sort du cadre du préservatif pour faire l'état des lieux de l'accès aux médicaments et aux soins. Sa position, qui consiste à relativiser autant le sens que l'impact de la déclaration de Benoît XVI, est remarquable. Pourquoi ne condamne t-elle pas catégoriquement les idées du Vatican ? Crainte de se voir opposer les catholiques du pays, de braquer son terrain ? Corruption ? Ou tout simplement, reconnaissance d'un impact positif que peut avoir le discours du Pape, qui, on l'a vu, ne se contente pas de s'exprimer sur le préservatif ? Nous laissons au lecteur la liberté d'en juger.

Anne Bihina Perrot : La déclaration du pape nous inspire.

La directrice nationale de Care Cameroun estime que le message de Benoit XVI peut aider à lutter contre la stigmatisation des malades.

Quelle est votre réaction par rapport à la sortie du pape sur préservatif ?

Je dirais que l'approche qu'a Care par rapport à la prévention du Sida en général, c'est de développer une palette de solutions à proposer aux personnes qui peuvent en avoir besoin pour se protéger du Vih/Sida. Le préservatif a toujours été une des composantes de notre travail de prévention, notamment la promotion de son usage. Il y a d'autres volets dans l'ensemble des campagnes qui sont de parler aux jeunes pour qu'ils essaient de reporter la première relation le plus longtemps possible, pour des personnes qui choisissent d'être fidèles à un couple, de faire un test et ensuite de s'engager à cette fidélité. Pour les personnes qui choisissent de pratiquer l'abstinence, de persévérer dans ce comportement là si c'est un choix de vie pour eux. En matière de prévention, elle doit être toujours adaptée à la population qui est en face et qui souhaite avoir différents types de solutions. Je ne pense pas que cela ait un risque par rapport aux campagnes sur lesquelles nous sommes.

Cette position aurait-elle une incidence ?

Je pense que ce n'est pas une interdiction d'utiliser le préservatif dans les campagnes. Il faut savoir que le Cameroun a adopté depuis longtemps une pratique qui est basée sur le marketing social du préservatif qui veut que les préservatifs ne soient pas donnés gratuitement. Ça fait réfléchir aussi sur sa propre sexualité. Nous pensons que faire la prévention avec cet outil rend les gens plus conscients de leurs responsabilités. Nos campagnes sont donc des campagnes de responsabilisation par rapport au préservatif. Je pense que, avec certains partenaires de travail de terrain qui peuvent avoir les mêmes approches que celle défendue par le pape, c'est sûr que les campagnes de prévention ne vont pas s'axer sur le préservatif mais on utilisera toutes les autres solutions possibles.

Le pape a par ailleurs demandé l'accès total aux médicaments par les malades…

Il y a différents niveaux d'accès. Depuis la gratuité des Arv, on a quand même une grosse augmentation des patients qui ont accès aux médicaments puisque si on estime qu'il y a à peu près 160.000 patients qui ont besoin d'un traitement actuellement au Cameroun, on est au-delà de 60.000 qui sont déjà sous traitement donc on est à plus de 40% de la situation est correcte. Les 60% se retrouvent chez des personnes qui ont des difficultés financières même si les Arv sont gratuits parce qu'il y a un certain nombre d'examens autour de la prise des médicaments. Il y a certains médicaments contre les maladies opportunistes qui restent avec un certain coût pour les patients et il peut y avoir pour les patients vulnérables économiquement une difficulté d'accès qui peut être liée à ça. Il y a aussi cette capacité à rejoindre les centres pour bénéficier du traitement. Il peut y avoir différents niveaux qui peuvent faire que certains patients n'ont pas encore accès aux médicaments.

Il a aussi incité les populations catholiques à s'impliquer dans l'accompagnement des malades…

C'est un message que nous allons utiliser pour renforcer l'adhésion des populations dans ce sens par rapport à leur tolérance vis-à-vis des patients, à leur capacité d'être en empathie avec eux et leur disposition de les accompagner. Nous nous appuyons dans certaines actions sur des groupes et associations confessionnelles qui ont une grande capacité d'écoute et peuvent mieux véhiculer certains messages auprès des malades. Je pense que là-dessus, il y a une partie du message du pape que nous allons nous charger de relayer fortement pour augmenter encore les capacités de prise en charge des patients par toute la communauté, car ce n'est pas que l'affaire des médecins.

Propos recueillis par Dorine Ekwè, Mutations 20 Mars 2009

Poursuivons avec un article beaucoup plus dur, publié dans la même édition du journal Mutations, le 20 mars. L'auteur, Justin Blaise Akono, profite de « l'affaire du condom » pour livrer une description sévère du successeur de Jean Paul II. Soulignant les différences entre les deux derniers Papes, il met surtout en avan, à travers notamment une sortie sur le préservatif jugée conservatrice et en décalage avec les comportements et opinions au Cameroun, l'incorrigible talent de Benoît XVI pour s'attirer les foudres de la presse. Justin Blaise Akono cite ainsi Le Point en preuve de ce talent – il faut dire que ces dernières semaines, la presse française n'a pas laissé de repos au Vatican. Dans une seconde partie pourtant, le journaliste relativise cette apparente rupture dans l'Église. Si Jean-Paul II était un homme plus charismatique que Benoît XVI et beaucoup plus chaleureux, il partageait les mêmes idées, défendait les mêmes positions, professait la même foi. En bref, nous ne pouvons regretter Jean-Paul II au motif que Benoît XVI a des positions radicales, car les deux hommes partageaient probablement ces positions. Simplement, la chaleur naturelle de Jean-Paul II fait que son message « passait mieux ».

Benoît XVI : Le messager de la continuité

pape-benoit2.JPGArrivé pour la première fois en Afrique sous fond de polémique, le pape reste fidèle à la ligne de l'Église sur le Sida.

La première image de Sa Sainteté Benoît XVI lorsqu'il foule le sol du Cameroun mardi dernier n'est pas du tout heureuse. Le pape est resté bloqué dans son avion pendant une dizaine de minutes à telle enseigne que le successeur de Jean-Paul II, à la descente d'Alitalia, compagnie de navigation aérienne italienne, avait le regard ferme et orienté vers le sol, comme s'il avait peur d'être trahi par cette maudite passerelle inadaptée à l’aéronef qui le transportait. La première rupture avec son prédécesseur Jean-Paul II apparaît nette, d'entrée de jeu. Le 10 août 1985, presque à la même heure, bien avant que le pape pèlerin ne baise le sol camerounais, Jean-Paul II avait béni, du haut de la sortie de son avion, les foules venues nombreuses l'attendre à l'aéroport de Yaoundé, qui tient lieu aujourd’hui de base aérienne militaire. Benoît XVI n'a pas offert aux "croyants" camerounais cette preuve de chaleur du Polonais Jean-Paul II.

Passé cette épreuve d'apparence, cette froideur du 265è chef de l'Église catholique romaine, 264è successeur de Saint Pierre, Benoît XVI avait déjà cassé la baraque sans être arrivé à Yaoundé. Capitale d'un pays très engagé dans la lutte contre le Sida et qui met avant, en plus de l'abstinence, l'utilisation du préservatif que le chef de l'Église catholique continue à combattre. Il a estimé dans l'avion qui le transportait, que l'on ne peut "pas régler le problème du sida", pandémie aux effets dévastateurs en Afrique, "avec la distribution de préservatifs. Au contraire (leur) utilisation aggrave le problème", a déclaré le Saint-Père. A-t-il voulu mettre un peu d'eau dans son vin de messe lors de l'office d'hier au stade Omnisports Ahmadou Ahidjo lorsqu'il a donné des conseils aux familles ou aux jeunes qui ne se sont pas encore engagés ? "Que les hommes aiment leur femme et que les jeunes gardent leur pureté". Cette doctrine, Joseph Alois Ratzinger en est coutumière du fait, pour la protection de l'éthique de son Église. Benoît XVI en inquiète plus d'un, les raisons les plus fréquemment mises en avant sont d'ailleurs résumées dans le journal français Le Point, qui écrit : "autant on pouvait accepter le brillant professeur de théologie, autant il convient de se méfier du" gardien de l'orthodoxie.

Silences

Ratzinger, explique-t-il, "est désormais considéré comme le grand inquisiteur et on ne compte plus ses "non". Non au communisme et au libéralisme. (...) Non au sacerdoce féminin. (...). Non à l'homosexualité. (...) Non au rock'n'roll. (...) Non à la réforme liturgique voulue par Paul VI. (...) Non à une vision syncrétique du rapport interreligieux". L'une des illustrations vécues hier lors de la messe pontificale, les invités à la table du seigneur doivent se mettre à genou pour recevoir le corps du Christ. L'on a bien l'intention d'évoquer quelques comparaisons fortes ou subjectives telles que recevoir sa bénédiction, calepin en main et plume au poing. Ce qui ne fut pas le cas lors des deux premières visites d'un pape au Cameroun, le jeune reporter étant encore écolier puis collégien. Mais, cette comparaison trouve vite ses limites.

Car, selon certains observateurs, parfois à l'intérieur même du corps, Benoît XVI apparaît comme "l'héritier, l'élu de Jean-Paul II" le gardien de la doctrine et dauphin de Karol Wojtyla. Et c'est bien pourquoi il est contradictoire de saluer avec une quasi-unanimité le pontificat de Jean-Paul II et d'accueillir avec méfiance l'homme d'Eglise dont il était le plus proche et auquel il avait confié les clés de sa doctrine. "Agir ainsi, c'est reconnaître que l'affection envers Jean-Paul II reposait sur une simple apparence et non sur le fond de sa pensée qui, bien qu'elle soit la même, est contestée quand elle est symbolisée par un autre. Ratzinger est dans la continuité de Wojtyla. Respecter le premier, c'est continuer d'aimer le second", signait encore récemment Paris Match, un magazine français.

Ce second qui, faute du charisme du premier, s'est illustré par le silence. La plupart du temps, les paroles sont écrites. Même les bénédictions comme lors de son allocution à l'aéroport de Yaoundé Nsimalen et le sourire difficile de cet octogénaire contrastent d'avec le "N'ayez pas peur" de son prédécesseur à Varsovie en Pologne alors qu'il venait d'accéder au trône du Vatican. Lors de l'homélie au Saint siège dimanche dernier, avant son départ, le pape Benoît XVI promettait de venir porter les souffrances de l'Afrique engluée dans la pauvreté depuis des siècles et étranglée dans l'engrenage de la crise financière internationale. Les Africains ont attendu l'assurance de l'homme de Dieu depuis Yaoundé. Le fera-t-il au moment où son avion décollera pour l'Angola ? Benoît XVI semble encore garder quelques mystères sur l'Afrique.

Justin Blaise Akono, Mutations, 20 Mars 2009

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22/03/2009

Le Pape, le sida et la presse camerounaise (1/4)

Introduction

Nous étudions ici le traitement dans trois journaux de la presse privée camerounaise de la polémique sur le préservatif que nous nommerons « l'affaire du condom ».

Les articles étudiés proviennent des quotidiens La Nouvelle Expression, Mutations et Le Jour. Le Messager n'est pas absent de cette enquête par censure volontaire, mais simplement parce que l'accès à ce quotidien sur Internet n'a pas permis de recueillir suffisamment de matière sur ce sujet.

D'autres articles, extraits des trois autres journaux, n'apparaissent pas dans ce chapitre, pour différentes raisons : ou par oubli de notre part, dans ce cas nous nous en excusons, ou parce qu'ils n'apportaient rien de plus au débat, soit pour des raisons de redondance (dans ce cas, il a fallu faire un choix), soit parce qu'ils ne faisaient que retranscrire une dépêche de l'Agence France Presse. Nous espérons qu'à travers les articles retenus, le lecteur aura une vision équilibrée de ce qu'a été le traitement dans la presse écrite privée camerounaise des déclarations de Benoît XVI sur la lutte contre le sida, peu avant son arrivée à Yaoundé.

Nous allons étudier ce traitement en trois points. Le premier, rapide, montre les différentes façons dont ont été rapportés les propos du Pape. Ce point permet de connaître exactement les termes du débat et surtout de savoir ce que les journalistes camerounais connaissaient de l'affaire au moment où ils écrivaient. Le second point donne les réactions trouvées dans la presse. Le panel d'opinions exprimées est assez large, et surtout, nous avons noté que les dénonciations étaient assez rarement aussi catégoriques ni aussi systématiques qu'en France. Enfin, nous avons remarqué que la presse camerounaise s'inquiétait beaucoup des conséquences de cette polémique sur le traitement dans les médias étrangers de la venue du Pape au Cameroun, ce qui fera l'objet d'un troisième point.

La déclaration de Benoît XVI sur le sida :

Nous la retrouvons dans le quotidien Le Jour, qui rapporte l'intégralité des questions posées au Pape par les journalistes du monde entier dans l'avion qui l'emmenait au Cameroun. Notons que la question posée sur le préservatif vient d'un journaliste français, de France 21. Nous reviendrons dans d'autres chapitres sur les échanges extérieurs au thème du sida. 

Benoît XVI : «On ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs»

Le texte intégral de l'entretien du 17 mars 2009 entre le pape et les journalistes sur le vol Rome-Yaoundé.

(...)

Philippe Visseyrias, de France 2 : Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent l'Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du SIDA. La position de l'Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est souvent considérée comme n'étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous ce thème au cours du voyage ?

Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte conte le SIDA est précisément l'Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant'Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lute contre le SIDA, aux camilliens, à toutes les sœurs qui sont à la disposition des malades... Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du SIDA uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n'y met pas l'âme, si on n'aide pas les Africains2, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d'augmenter le problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l'un avec l'autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler l'homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l'égard de son propre corps et de celui de l'autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et c'est ce que fait l'Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font.

(...)

Le Jour (extraits), 18 mars 2009

Dans la même édition du journal, nous trouvons un article dont le titre met le doigt sur la polémique sans oser l'exploiter. On note que la journaliste Cathy Yogo a considéré ce détail comme LE point à retenir du voyage de Benoît XVI. Cela permet d'affirmer que « l'affaire du condom » a également interpellé les journalistes camerounais, même si ceux-ci n'ont pas traité exclusivement ce débat. Le titre est cependant un titre-choc, comme les aime souvent le quotidien Le Jour et Cathy Yogo en particulier; le voyage et l'arrivée de Benoît XVI sont racontés dans leur ensemble, et le préservatif n'y occupe pas deux lignes sur une vingtaine. On a l'impression que Cathy Yogo a « senti » la médiatisation possible qu'elle pouvait créer autour de cette affaire, sans oser aller jusqu'au bout de son intuition. Elle se préserve donc en écrivant un article généraliste qui aborde sans les creuser plusieurs débats. Rappelons que dans la même édition, les réponses du Pape sont données intégralement, ce qui explique sans doute aussi ce choix d'angle.

La journée du pape : Benoît XVI contre l’usage du préservatif

Dans un entretien avec les journalistes dans l’avion, le Saint Père a dit que ce n’est pas le meilleur moyen pour combattre le Sida.

Benoît XVI au Cameroun.jpgAéroport de Yaoundé-Nsimalen. Mardi 17 mars 2009. Il est exactement 16h quand Benoît XVI descend de l'aéronef pontife, le Boeing 777-200 de Alitalia.

C’était après que l’on a décoincé la porte de l’avion qui n’arrivait pas à s’ouvrir. Le pape est accueilli au bas de la passerelle par le chef de l'État et son épouse qui fait une génuflexion pour recevoir sa bénédiction, en présence d’un parterre de journalistes, d’une presse nationale et internationale et de photographes.

Les éléments de la garde et ceux de la sécurité présidentielle veillent au grain. Impossible de franchir la ligne interdite quand on n’y est pas autorisé. Après avoir salué les officiels (ministres, ambassadeurs, évêques…), bravant le dispositif protocolaire, le Saint-Père a pris un bain de foule, encouragé par la Première Dame. «Vous pouvez allez vers eux », lui lance  Chantal Biya souriante et visiblement très émue d’accueillir le Saint-Père en terre camerounaise. 

La descente d’avion du pape a été précédée par celle des journalistes qui vont l’accompagner dans ce périple qui le conduira ensuite en Angola. Selon l’un d’eux, le pape a indiqué que son voyage au Cameroun devrait être placé sous le signe de la justice, la paix et la réconciliation. Il a aussi évoqué la question du préservatif qui, à son avis, n’est pas la solution pour lutter contre la pandémie du Sida qui ravage le continent.

Selon une journaliste du quotidien italien Libero, dans son entretien avec la presse pendant le voyage, Benoît XVI a aussi rejeté l'idée selon laquelle il serait confronté à un isolement au sein de l'Église, en particulier après la levée de l'excommunication de quatre évêques intégristes, dont Richard Williamson. Le Britannique a nié l'existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale.

Par Cathy Yogo, Le Jour, 18 mars 2009

1France 2 sera un des médias les plus bruyants dans le concert des réactions aux déclarations de Benoît XVI. La chaîne publique placera les émissions religieuses du dimanche 22 mars sous le signe du Sidaction, en signe d'opposition au Vatican.

2Notons la première partie de cette phrase. Le Pape condamne ainsi un non-engagement qui consiste à donner des moyens matériels sans assurer d'implication humaine. Pour lui, la cause du sida en Afrique vient d'un comportement, que le préservatif ne changera pas. Il rejoint en cela ceux qui dénoncent l'envoi de sacs de riz pour régler les problèmes de malnutrition - à cela prêt que manger du riz n'a rien d'immoral pour l'Eglise. Sa déclaration, au vu de la construction de la phrase, assimile le préservatif aux « slogans publicitaires » mais n'implique pas une négation totale a priori des bénéfices purement techniques du préservatif. Cette phrase peut-être interprétée à double sens. Les journalistes français, en oubliant la première partie, lui ont donnée le sens le plus dur, le plus catégorique.

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21/03/2009

Remix d'Hôtel Rwanda


podcast
A partir de la chanson "children found" du film hôtel Rwanda et de la VF.

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20/03/2009

Revue de presse alternative

Rapide (très rapide) tour d'horizon du traitement dans la presse camerounaise de la venue du Pape.

pape-benoit1.gifOn commence avec l'excellent quotidien Mutations, qui annonce dans un article du 19 mars au sujet des déclarations de Benoît XVI sur le préservatif : "l'objet du voyage du pape se trouve noyé dans les commentaires des médias surtout internationaux. Car, le sida touche particulièrement l'humanité de par le nombre de ses victimes. Tout le risque est par conséquent de ne rien retenir du passage de Benoît XVI au Cameroun."

A la lecture de la presse camerounaise accessible sur Internet, les journalistes camerounais semblent ne pas être tombés dans le piège. Voyons plutôt.

Le Messager s'offusque de l'hypocrisie religieuse, qui consiste à prêcher la pauvreté et vivre dans le luxe. On comprendra que ce journal d'opposition au bagout incontestable et qui s'offusque d'ailleurs facilement, ait choisi ce thème pour s'indigner. La pauvreté est, en effet, un sujet d'actualité permanente au Cameroun, et le débat mérite d'être lancé. Le quotidien dénonce le double jeu de certains prélats qui s'élèvent en défenseurs de la morale de l'Eglise et vivent dans le pêché.
Un autre sujet traité par le même journal, un peu moins polémique, qui semble donc plus accessoire : des laïcs demandent la béatification de Mgr André Wouking, ancien évêque de Yaoundé mort en 2002.

Autre débat brûlant, servi plus récemment par Mutations, moins acerbe que Le Messager, réputé plus francophile, en tout cas certainementpointe_404.jpg plus à l'écoute des médias français. L'affaire du préservatif. De nombreux articles permettant de faire un tour de la question assez complet (n'y voyez pas de jeu de mot sordide) : Interview de Anne Bihinat Perrot, directrice nationale de Care Cameroun, qui "ne pense pas que cela [les déclarations du Pape] ait un risque par rapport aux campagnes sur lesquelles nous sommes." Une interview très riche, à la fois qui dresse un état des lieux du sida (accès aux médicaments, moyens de prévention etc.) au Cameroun, et aussi qui relativise la portée des déclarations de Benoît XVI (selon lesquelles le préservatif aggrave la pandémie plus qu'il ne la réduit). Dans d'autres articles, le journal insiste sur la nécessité de prévenir les comportements à risques.
Autres sujets moins graves, tels que des papiers d'ambiance, des faits divers liés à la venue du Pape, sont traités dans le dossier paru le 19 mars, et que vous retrouverez sur le site de Mutations.

Des papiers d'ambiance aussi chez Le Jour, avec quelques autres informations, par exemple que le Pape a placé le Cameroun sous la protection de la Vierge Marie.
Un sujet cependant plus grave - mais ô combien symptomatique - est abordé dans les colonnes du journal. La presse privée camerounaise n'a pas pu couvrir officiellement la visite du Pape. Malgré des laissez passer en règle, les journalistes ont été rudoyés par les forces de l'ordre et n'ont pas pu accéder à l'information. Bien sûr, les journalistes de Cameroon Tribune et de la CRTV ont eu droit à un traitement de faveur. La liberté de la presse au Cameroun laisse toujours et encore à désirer. Rappelons que lors de la descente de l'avion du Pape, seuls les journalistes étrangers, majoritaires, et les journalistes de la presse publique, ont été accrédités.

Un traitement d'autant plus scandaleux que les journalistes camerounais des médias privés, contrairement à certains de leurs confrères étrangers, ont fait le boulot pour lequel ils sont payés (mal) en ne tombant pas dans le "piège du condom."

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