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24/03/2009

Le Pape, le sida et la presse camerounaise (3/4)

Deux articles maintenant dont les auteurs vont directement défendre les propos du Pape sur la lutte contre le sida. Le premier aurait certainement été censuré dans les médias français, et son auteur sacrifié au bûcher des droits de l'Homme et de la tolérance. Mono Djana, philosophe réputé au Cameroun pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, fait preuve de son habituelle truculence.

Tout compte fait, le pape n’a pas tort

mono ndjana.JPGLa déclaration du Très Saint Père, faite à brûle – pourpoint à son arrivée en terre Camerounaise le 17 mars 2009, quant à la distribution des préservatifs qui aggraverait le problème du Vih/Sida, a suscité un tollé de véhémentes protestations presque partout dans le monde. On peut même parler d’une indignation planétaire, d’une consternation outrée de la part des personnalités politiques de premier plan, de la gauche comme de la droite, des ONG et des médecins avec ou sans frontières. Quelque part, on l’a même taxé d’un conservatisme attardé. Eux sont donc progressistes, apôtres du condom protecteur, bouclier des preux chevaliers de la guerre internationale de libération sexuelle.

Le nihilisme de la postmodernité

Ce courant de pensée participe en effet de la négation des grandes valeurs qui sont au fondement de la civilisation judéo-chrétienne, et, corrélativement, de la promotion d’une idéologie libertaire qui piétine l’éthique traditionnelle. Si Dieu est mort, tout est permis, disait Raskolnikov. Nos bien-pensants se sont d’abord livrés à la mise à mort de Dieu pour tout se permettre. Pour écarter la norme et normaliser l’écart dans lequel ils se sont joyeusement installés. Quiconque rappelle la norme dans cette griserie anomique apparaît comme un attardé. En un certain sens, le Souverain Pontife a sonné le glas et la fin de la récréation pour rappeler aux noceurs pervers les normes de l’éthique sexuelle. Et en cela il n’avait pas tort.

Le principe éducation et responsabilité

C’est d’éthique en effet qu’il est fondamentalement question. L’humanité a besoin de femmes et d’hommes sains d’esprit et de corps, qui considèrent les organes de la procréation comme des parties sacrées du corps qui, par conséquent, méritent le plus grand respect, au lieu qu’on les prenne, comme cela se passe aujourd’hui, pour de simples machines à plaisir. L’anthropologie africaine par exemple, tout comme d’ailleurs l’anthropologie des autres traditions, s’oppose totalement à cette banalisation du sexe, qu’on oblige de revêtir toute sorte d’objets en plastique dans la perspective unique de la sensualité. Pour respecter le planning familial, nos parents, qui ne s’encombraient pas de la problématique des périodes fécondes et des périodes non-fécondes, s’abstenaient tout simplement pour un espacement des naissances raisonnable.

La doctrine du Vatican est constante sur ce point, et ce n’est pas du conservatisme. Elle consiste à éduquer les enfants à l’abstinence avant le mariage, puis à la fidélité, au lieu de se laisser emporter avec légèreté à la tentation de la facilité par une universelle distribution des préservatifs. Si je me mets par exemple à distribuer des préservatifs chaque matin à mes enfants, sous prétexte que la mode le recommande, cette extrême sollicitude ne signifierait rien d’autre que leur enseigner une licencieuse philosophie du corps : vous avez le condom, ne vous privez plus. Il ne s’agirait là, ni plus ni moins, que d’une abdication des adultes devant leurs obligations morales vis-à-vis de leur progéniture qui se voit ainsi expédiée dans les joutes de la dépravation. L’éthique chrétienne ne permet pas cette défaite de la pensée qui fait comme si la course vers le sexe était d’une fatalité inexorable, à la manière d’un fleuve qui court fatalement vers la mer. Une force qui va. Non. L’élan sexuel peut et doit se canaliser. Ce qui favorise la propagation du Sida, ce n’est pas la condamnation du préservatif, mais l’extrême licence sexuelle développée par l’idéologie libertaire.

Quand le Pape parle de l’aggravation du problème, on peut présumer par ailleurs que le fait d’empocher des milliards et des milliards de Dollars est ce qui empêche les industries des préservatifs de financer plutôt la recherche sur le Sida. Plus on privilégie le capitalisme dans ce secteur, moins on renforce la recherche, et plus le mal s’aggrave avec la conséquence de la décimation des populations vulnérables. Les campagnes surmédiatisées pour les préservatifs ne sont donc, finalement, que de l’opium pour peuples vulnérables, non sans compter que les substances dont s’enduit les petits cylindres gonflables se trouvent déjà soupçonnées de porter des germes incertains. La condamnation de la condamnation du Pape apparaît en définitive comme une forme de terrorisme idéologique qui veut étouffer toute pensée contraire.

(...)

Hubert Mono Ndjana, La Nouvelle Expression, 20 Mars 2009

Nous n'avons sélectionné de cet article uniquement ce qui concernait la déclaration du Pape. L'auteur évoque ensuite, de manière qui pourrait choquer les esprits en France, l'homosexualité. Ce n'est pas inintéressant d'un point de vue sociologique, mais hors de propos en l'occurrence. Le second article, qui donne la parole aux potentiels défenseurs du Pape, est plus consensuel à des yeux européens – ce qui n'est pas difficile. Il s'agit tout simplement de la réaction d'évêques camerounais. Ceux-ci soutiennent la position du Vatican ou condamnent la médiatisation de l'affaire, dans laquelle certains croient même reconnaître une forme de néocolonialisme (comme Jean-Marie Benoît Balla, évêque de Bafia).

Des évêques réagissent à la position de Benoît XVI sur l’usage du préservatif.

Samuel Kleda, évêque co-adjuteur de Douala : « C’est la position de l'Église »

Le Saint Père n’a que réitéré la position de l'Église. Il est impossible que nous encouragions l’utilisation du préservatif, pour lutter contre la Sida. Elle a toujours prescrit deux voies pour une lutte efficace contre cette pandémie ; l’abstinence et la fidélité. Si l’on s’abstient des rapports, on barre carrément la voie au Sida. Pour les personnes déjà infectées par le virus, la meilleure solution, c’est de s’abstenir. A ce moment-là, le couple doit vivre comme frère et sœur. On ne peut pas présenter le préservatif comme un moyen pour freiner l’évolution du sida.

Jean-Marie Benoît Balla, évêque de Bafia : « Les médias ont voulu détourner les Africains »

L’utilisation du préservatif n’a pas fait de problème ces derniers jours. Ce sont les médias qui ont voulu détourner les Africains du sens de la visite du pape au Cameroun. Au lieu de parler du message que le Saint Père a adressé à l’Afrique, ils se contentent des choses dont ils ont parlé pendant le voyage, des causeries qu’ils ont eues avec le pape dans l’avion. Nous ne sommes plus à ce stade où, à partir de l’Occident, on doit dire ce que l’Afrique doit entendre. Nous sommes assez mûrs pour savoir ce que le Saint Père a à nous dire et l’apprécier nous-mêmes. Nous refusons le néo-colonialisme.

Jérôme Owono Mimboé, évêque d’Obala : « Le préservatif, la voie ouverte au libertinage sexuel »

En diffusant une information, les médias ont un objectif. C’est indigne, la quantité de méchancetés et de faussetés que certains disent sur le pape. Mais, sur la question du préservatif, le Saint Père ne peut avoir que cette position. On peut le tuer pour ça ou faire autant avec nous, le pape ne peut pas changer d’avis. Il se base sur la morale qu’il nous enseigne et que nous partageons avec lui. Elle stipule que l’homme n’est pas libre de faire n’importe quoi. Dire aux gens d’utiliser le préservatif, c’est ouvrir la voix au libertinage sexuel, au dévergondage sexuel. La tendance moderne veut que l’homme soit libre de poser les actes qu’on veut : peut tuer ou non, faire avorter une femme ou non.

Immanuel Bushu, évêque de Buéa : « Pas de démocratie sur l’usage du préservatif »

La question de l’usage du préservatif est une question morale qu’on ne peut pas évoquer avec légèreté. Il ne peut avoir de démocratie sur l’usage du préservatif. Le pape a simplement donné la position de l’Eglise catholique qui vient de la parole de Dieu. L’Eglise catholique ne peut pas changer sa position  sur l’usage du préservatif.

Cornelius Fontem, évêque de Bamenda : «Il ne faut pas faire la promotion du préservatif »

Le pape a raison de dire que la pandémie du Sida ne pourrait être stoppée tant qu’on fait la promotion du préservatif. Elle ne peut pas être réglée de la sorte. Surtout en milieux jeunes, la tranche sociale la plus touchée.  J’ai des cas dans mon diocèse qui montrent que la situation va empirer si l’on n’adopte pas la position de l’Eglise.

Alvert Vonbuel, évêque centrafricain : « Le pape n’a pas dit exactement ce que les journalistes ont diffusé »

Le pape n’a pas dit exactement ce que les journalistes ont diffusé. Le Saint Père a plutôt dit que ce n’est pas seulement le préservatif qui va résoudre le problème du sida. Les journaux ont seulement relayé « pas de préservatif », et tout le monde parle de ça aujourd’hui. L'Église sait que, dans la lutte contre la sida, l’engagement dans la fidélité est plus important que l’usage du préservatif.

François Xavier Amara, chapelain de sa sainteté : « L’église n’a jamais accepté l’usage du préservatif ».

Le pape Benoît XVI n’est pas le premier à parler du préservatif. Son prédécesseur, Jean Paul II l’avait déjà fait. Il avait interdit l’utilisation du préservatif. Je ne sais pas pourquoi la déclaration du pape Benoît XVI fait tant de bruit. Est-ce parce qu’il l’a dit publiquement pendant son voyage en Afrique. L’église n’a jamais accepté l’usage du préservatif. Le problème se pose sur le comportement de notre jeunesse qui se laisse aller, à cause du préservatif. Elle fait n’importe quoi. Est-ce normal ?

Propos recueillis par Cathy Yogo et Adrienne Engono, Le Jour, 19 mars 2009

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