La réflexion qui suit est, comme le travail présenté précédemment sur l'Homme et la Création, préparée en 2014 pour le Pèlerinage de Chrétienté. Donc ça s'adresse à des cathos voire même un peu tradis. Mais si d'autres trouvent des trucs intéressants, tant mieux.
Pas facile de fonder une société qui soit à l'image de l'ordre divin. Saint Augustin différenciait bien la cité terrestre de la cité céleste, en disant que le chrétien appartenait à la seconde et non à la première. L'étude de l'histoire nous apprend que s'il existe des périodes plus heureuses que d'autres et des régimes politiques pires que d'autres, aucun n'est parfait. La réflexion qui suit est d'ordre éthique (et même théologie éthique et non juridique.
I – Les lois civiles sont naturelles
Les grecs reconnaissaient deux types de lois : les lois écrites, qui règlent le fonctionnement des institutions, et les lois non écrites, fixées par les dieux, relatives au comportement et à la morale. Nous allons en décrire trois: la loi morale, unique, pas toujours connue, qu'il faut rechercher dans notre conscience et par la révélation divine ; les lois normatives pour réguler la vie quotidienne, sans impact sur notre vie spirituelle ; les lois éducatives qui changent l'homme et la société.
La loi morale
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Le monde n'est pas l'objet du hasard, mais d'un plan d'amour divin : "au commencement était le Verbe." C'est pourquoi, comme les grecs qui en avaient l'intuition, les chrétiens parlent d'une loi divine qui serait, contrairement aux lois civiles, universelle. Une loi préexistante à toute société humaine et universelle : c'est cette notion, nommée différemment selon les courants de pensée et les époques, que l'on appelle "loi morale", "loi divine" ou "loi naturelle".
Mais à cause du péché originel qui coupe l'homme de Dieu et de lui-même, nous sommes empêchés de voir la vérité et rendus esclaves de nos caprices. La loi morale est, en partie, inaccessible, et on ne peut pas la prouver. Nous sommes donc tentés d'ériger en loi des désirs, ou de faire au plus fonctionnel, quitte à aller à l'encontre des lois morales. Par exemple, la recherche sur l'embryon rapporte beaucoup d'argent, les embryons humains coûtant moins chers que les embryons animaux ; donc, légalisons...
Des lois civiles normatives
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Premières des lois civiles: les lois normatives. L'homme est fait pour la société, (une histoire selon laquelle il ne serait pas bon que l'Homme soit seul) donc il faut bien des lois pour organiser ça : défendre la sécurité des biens et des personnes, réduire les accidents de la route en mettant des règles parfois arbitraires mais nécessaires (imaginez si chacun décidait de rouler tantôt à gauche, tantôt à droite...), empêcher les agressions dans la rue, bref, éviter l'anarchie et faire en sorte qu'on ne se marche pas sur les pieds. Ces lois sont arbitraires et n'ont pas d'incidence morale sur la société. Elles visent à assurer l'intégrité des biens et des personnes.
Des lois civiles éducatives
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Deuxièmes des lois civiles: les lois éducatives. Ces lois tirent l'homme dans un sens ou dans l'autre, vers le bien ou vers le mal, et ont un pouvoir éducatif. Par exemple quasiment tous les États souhaitent que les coupables d'un vol apprennent que le vol est mal et s'amendent, en prévenant ou en punissant.
Autre exemple qui va faire grincer les dents (eh, c'est écrit pour des cathos à la base hein), le bien commun exige qu'un enfant soit habituellement élevé par un homme et une femme, son père et sa mère ; donc les lois qui favorisent la stabilité de l'union des époux sont conformes au bien de l'enfant et donc de la société. Cela implique que ceux qui les mettent en place aient une vision de l'homme, une idée de ce que l'humanité doit devenir, et souhaitent améliorer cette humanité selon leurs idées. Ces lois aussi sont naturelles, adviennent dans toute civilisation. On trouve de nombreux point commun entre ces lois et le Décalogue.
Mais sur quoi se base-t-on pour tirer l'homme vers le haut ? Comment sait-on dans quel sens tirer ?
II – La morale, pas si universelle que cela ?
En effet, on compte quelques exemples dans notre société où la vision de l'homme nécessaire à l'élaboration de ces lois civiles diverge carrément de la vision de l'homme de la société d'à côté, d'il y a dix ans ou de la vision défendue dans d'autres courants de pensée, notamment religieux.
Une loi préexistante n'existe pas
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L’anthropologie de gauche, à laquelle nous pouvons être confrontés dans nos études, nie le caractère universel de la loi morale et la présente comme une illusion, en se fondant souvent sur des exceptions : en cherchant bien, on peut toujours trouver une société primitive qui accepte l'inceste ou les sacrifices humains. En effet, si l'on cesse de croire en Dieu, et si l'on cesse de croire que le monde a été créé selon un plan d'amour préétabli, il n'est pas rationnel de penser qu'il existerait une loi naturelle, une morale naturelle. L'Homme qui cesse de croire en Dieu est tenté de mettre sa foi dans la raison, d'ériger en dogme ses lois, d'instituer un culte de ses systèmes politiques, d'adorer un parti ou un mouvement.
Chacun sa morale
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C'est une foi matérialiste. On le voit à l'heure actuelle avec certaines lois qui sont devenus des dogmes impossibles à remettre en question sans passer pour un barbare arriéré, une sorte d'hérétique. Donc on adore la loi et on dissocie par exemple totalement morale (construction personnelle) et nature (donné biologique). Citons en exemple Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, qui disait le 12 juin 2014 au Sénat :
L'humanisme moderne, c'est de penser que la nature est tout sauf une norme morale. Notre modèle autorise chacun à vivre selon ses convictions (...). Quelle société voulons-nous transmettre à nos enfants ? Une société construite sur les valeurs qui sont les nôtres, celles de cette maison, celles de la République, de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Ce sont celles qui ont permis aux femmes de conquérir des libertés nouvelles que la nature ne nous avait pas données : les droits procréatifs, la contraception, le droit à l'IVG.
Le danger de ce relativisme
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Même les non croyants peuvent en voir les limites : si un système purement humain est érigé en absolu, alors on est condamné à renoncer à notre liberté de conscience. Déjà les grecs dénonçaient ce risque, en considérant que la pire des tyrannies était l'homme livré à ses caprices, esclave de ses envies.
S'il n'y a pas de loi morale supérieure à la loi civile, alors nous dépendons entièrement d'une loi civile qui peut changer en fonction de l'envie des dirigeants, et nous ne pouvons plus la remettre en question. Si le régime nous impose de tuer ou d'être tué, nous obéissons. Au nom de quoi pourrions-nous refuser ? La philosophe Annah Arendt dans un livre qui s'appelle "La Banalité du Mal" a dressé le portrait d'Heichman, un petit fonctionnaire allemand qui, sans être un fanatique nazi, a conduit à la mort des centaines de personnes parce qu'il était incapable de remettre en cause les ordres de sa hiérarchie. Elle s'étonnait de voir qu'on pouvait faire un criminel de n'importe quel homme, même les moins extrémistes, si cet homme avait renoncé à sa liberté de penser au profit d'un régime totalitaire.
III- Une loi morale supérieure à la loi civile
Donc pour garder notre liberté de conscience, nous devons accepter qu'il y a une loi morale supérieure aux lois civiles. L'existence d'une loi morale supérieure à la loi civile n'est niée que depuis peu de temps, par l'idéologie athée. Déjà les grecs célébraient le courage d'Antigone, qui s'oppose à son oncle, le roi Créon, pour obéir à des lois "non écrites, inébranlables des dieux", qui "ne datent ni d'aujourd'hui ni d'hier, et que personne n'a vu naître". Même sans connaître le Christ, chaque homme peut retrouver dans la Création (cf point n°2 de cet article génial) cette loi naturelle, au moins en partie.
La loi morale, supérieure à la loi civile
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"Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait été donné d'en haut"
Lorsque le Christ répond à Pilate, il reconnaît d'une part la légitimité de son pouvoir, mais aussi que son autorité ne tire pas sa légitimité d'en bas, du peuple par exemple, mais de Dieu. En effet, la légitimité de l'autorité dépend de sa capacité à faire le bien commun et non de son pourcentage aux dernières élections.
Les hommes d'autorité sont légitimes en fonction des décisions qu'ils prennent, selon que ces décisions sont en accord avec la loi naturelle.Ils ne sont pas légitimes en fonction du mode de scrutin ou de nomination. Le Pape est élu, mais sa légitimité vient de Dieu. Il ne tire la légitimité de sa charge ni de la succession des papes précédents, ni même du collège qui procède à son élection. D'ailleurs le décompte des voix est gardé secret et les bulletins sont brûlés.
Autre exemple : le roi de France était dit "lieutenant de Dieu", c'est à dire "tenant lieu" de Dieu en son royaume. Le sacre manifestait cette soumission du roi "très chrétien" à la loi de Dieu. Le roi devait rendre compte de sa charge devant Dieu ; or, si on peut échapper au peuple (un président peut continuer à gouverner avec 13% de popularité), on ne peut pas échapper à la justice divine !
Aucun régime n'est légitime en soi
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Donc logiquement l'autorité politique ne peut pas s'exercer contre la volonté de Dieu manifestée dans la loi naturelle. Ou alors, elle perd sa légitimité ! Jean-Paul II dénonçait "une démocratie sans valeurs, qui se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois comme le montre l'histoire" (Centesimus Annus).
Jean Paul II rappelait aussi que la démocratie est "un système et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère moral n'est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale". Enfin, Benoît XVI le redit, "la démocratie ne réussit seulement que dans la mesure où elle est fondée sur la vérité et sur une compréhension correcte de la personne humaine".
L'opinion majoritaire, qui en plus peut changer du jour au lendemain, n'est donc pas légitime si elle s'oppose à la loi naturelle. Pas plus que les lois sous prétexte qu'elles sont votées (n'en déplaise à certains) ou les régimes politiques.
Obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes
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Que se passe-t-il alors si nous sommes confrontés à une force légale qui va à l'encontre de la loi naturelle ? L'exemple des martyrs (un mot qui signifie « témoin » en grec) nous apporte une réponse assez claire... depuis Sainte Agnès jusqu'à Meryam, la soudanaise emprisonnée parce qu'elle refusait de renier le Christ, en passant par les prêtres réfractaires de la révolution, les Cristeros, les résistants aux derniers régimes totalitaires...
L'obéissance est une voie de Salut pour le Chrétien, qui se veut obéissant à l'image du Christ qui s'est fait obéissant jusqu'à la mort. Mais "il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes" (Ac 5, 29). On ne peut désobéir aux hommes que par obéissance envers Dieu. Notre désobéissance apparente cache en fait, aux yeux du monde, une obéissance plus grande encore, vis à vis de Dieu. C'est en cela que, par exemple, nous pouvons continuer à nous opposer à des lois votées, comme celle légalisant le mariage pour les homosexuels ou arracher les affiches de Gleeden.
Seulement, les dirigeants athées s'opposent avec une fermeté surprenante à toute désobéissance civile, même les plus petites (regardez les cavalcades de nos amis CRS à chaque fois que les Veilleurs font un petit tour et puis s'en vont...). Cela pourrait être risible tellement la menace apparaît dérisoire. Mais justement, ces toutes petites désobéissances leur rappellent qu'il y a une loi naturelle, qu'elle est supérieure à la loi civile, que la loi civile perd sa légitimité si elle s'y oppose. Et surtout que certains membres de la cité préfèrent obéir à la loi naturelle qu'à une loi civile qui n'est pas légitime. Cela remet donc en cause le fondement même de leur autorité, d'où ces réactions démesurées.
Conclusion
En tant que chrétien, défendre la loi divine, y compris quand pour cela nous devons nous opposer à la loi civile, voire risquer notre vie, est une obligation morale, mais c'est aussi la condition de la vraie liberté : seule "la vérité nous rendra libre" (St Jean 8, 32). Mais c'est aussi défendre le reste de l'humanité. En effet, l'existence de lois auxquelles personnes ne peut porter atteinte est une protection pour tous et en particulier pour les plus faibles (les embryons menacés par l'avortement, les malades menacés par l'euthanasie, les enfants menacés par toutes sortes d'embrigadement...). On notera avec joie que, grâce notamment à Mme Taubira, les cathos sont de plus en plus nombreux à remettre la loi civile à sa place.
Pour conclure, relisons les premiers versets du prologue de St Jean : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n'a été fait rien de ce qui existe." A partir de ces versets, nous pouvons rappeler que le monde a été créé par la parole de Dieu, incarnée dans le Christ, qui est la loi par laquelle le monde a été fait. Nous pouvons donc dire que cette loi non écrite, qui existait avant toute chose, et qui est la loi de toute chose, c'est une personne, c'est Notre Seigneur Jésus Christ.
Ou comment conclure sur une touche tradie
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