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22/03/2009

Le Pape, le sida et la presse camerounaise (1/4)

Introduction

Nous étudions ici le traitement dans trois journaux de la presse privée camerounaise de la polémique sur le préservatif que nous nommerons « l'affaire du condom ».

Les articles étudiés proviennent des quotidiens La Nouvelle Expression, Mutations et Le Jour. Le Messager n'est pas absent de cette enquête par censure volontaire, mais simplement parce que l'accès à ce quotidien sur Internet n'a pas permis de recueillir suffisamment de matière sur ce sujet.

D'autres articles, extraits des trois autres journaux, n'apparaissent pas dans ce chapitre, pour différentes raisons : ou par oubli de notre part, dans ce cas nous nous en excusons, ou parce qu'ils n'apportaient rien de plus au débat, soit pour des raisons de redondance (dans ce cas, il a fallu faire un choix), soit parce qu'ils ne faisaient que retranscrire une dépêche de l'Agence France Presse. Nous espérons qu'à travers les articles retenus, le lecteur aura une vision équilibrée de ce qu'a été le traitement dans la presse écrite privée camerounaise des déclarations de Benoît XVI sur la lutte contre le sida, peu avant son arrivée à Yaoundé.

Nous allons étudier ce traitement en trois points. Le premier, rapide, montre les différentes façons dont ont été rapportés les propos du Pape. Ce point permet de connaître exactement les termes du débat et surtout de savoir ce que les journalistes camerounais connaissaient de l'affaire au moment où ils écrivaient. Le second point donne les réactions trouvées dans la presse. Le panel d'opinions exprimées est assez large, et surtout, nous avons noté que les dénonciations étaient assez rarement aussi catégoriques ni aussi systématiques qu'en France. Enfin, nous avons remarqué que la presse camerounaise s'inquiétait beaucoup des conséquences de cette polémique sur le traitement dans les médias étrangers de la venue du Pape au Cameroun, ce qui fera l'objet d'un troisième point.

La déclaration de Benoît XVI sur le sida :

Nous la retrouvons dans le quotidien Le Jour, qui rapporte l'intégralité des questions posées au Pape par les journalistes du monde entier dans l'avion qui l'emmenait au Cameroun. Notons que la question posée sur le préservatif vient d'un journaliste français, de France 21. Nous reviendrons dans d'autres chapitres sur les échanges extérieurs au thème du sida. 

Benoît XVI : «On ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs»

Le texte intégral de l'entretien du 17 mars 2009 entre le pape et les journalistes sur le vol Rome-Yaoundé.

(...)

Philippe Visseyrias, de France 2 : Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent l'Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du SIDA. La position de l'Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est souvent considérée comme n'étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous ce thème au cours du voyage ?

Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte conte le SIDA est précisément l'Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant'Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lute contre le SIDA, aux camilliens, à toutes les sœurs qui sont à la disposition des malades... Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du SIDA uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n'y met pas l'âme, si on n'aide pas les Africains2, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d'augmenter le problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l'un avec l'autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler l'homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l'égard de son propre corps et de celui de l'autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et c'est ce que fait l'Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font.

(...)

Le Jour (extraits), 18 mars 2009

Dans la même édition du journal, nous trouvons un article dont le titre met le doigt sur la polémique sans oser l'exploiter. On note que la journaliste Cathy Yogo a considéré ce détail comme LE point à retenir du voyage de Benoît XVI. Cela permet d'affirmer que « l'affaire du condom » a également interpellé les journalistes camerounais, même si ceux-ci n'ont pas traité exclusivement ce débat. Le titre est cependant un titre-choc, comme les aime souvent le quotidien Le Jour et Cathy Yogo en particulier; le voyage et l'arrivée de Benoît XVI sont racontés dans leur ensemble, et le préservatif n'y occupe pas deux lignes sur une vingtaine. On a l'impression que Cathy Yogo a « senti » la médiatisation possible qu'elle pouvait créer autour de cette affaire, sans oser aller jusqu'au bout de son intuition. Elle se préserve donc en écrivant un article généraliste qui aborde sans les creuser plusieurs débats. Rappelons que dans la même édition, les réponses du Pape sont données intégralement, ce qui explique sans doute aussi ce choix d'angle.

La journée du pape : Benoît XVI contre l’usage du préservatif

Dans un entretien avec les journalistes dans l’avion, le Saint Père a dit que ce n’est pas le meilleur moyen pour combattre le Sida.

Benoît XVI au Cameroun.jpgAéroport de Yaoundé-Nsimalen. Mardi 17 mars 2009. Il est exactement 16h quand Benoît XVI descend de l'aéronef pontife, le Boeing 777-200 de Alitalia.

C’était après que l’on a décoincé la porte de l’avion qui n’arrivait pas à s’ouvrir. Le pape est accueilli au bas de la passerelle par le chef de l'État et son épouse qui fait une génuflexion pour recevoir sa bénédiction, en présence d’un parterre de journalistes, d’une presse nationale et internationale et de photographes.

Les éléments de la garde et ceux de la sécurité présidentielle veillent au grain. Impossible de franchir la ligne interdite quand on n’y est pas autorisé. Après avoir salué les officiels (ministres, ambassadeurs, évêques…), bravant le dispositif protocolaire, le Saint-Père a pris un bain de foule, encouragé par la Première Dame. «Vous pouvez allez vers eux », lui lance  Chantal Biya souriante et visiblement très émue d’accueillir le Saint-Père en terre camerounaise. 

La descente d’avion du pape a été précédée par celle des journalistes qui vont l’accompagner dans ce périple qui le conduira ensuite en Angola. Selon l’un d’eux, le pape a indiqué que son voyage au Cameroun devrait être placé sous le signe de la justice, la paix et la réconciliation. Il a aussi évoqué la question du préservatif qui, à son avis, n’est pas la solution pour lutter contre la pandémie du Sida qui ravage le continent.

Selon une journaliste du quotidien italien Libero, dans son entretien avec la presse pendant le voyage, Benoît XVI a aussi rejeté l'idée selon laquelle il serait confronté à un isolement au sein de l'Église, en particulier après la levée de l'excommunication de quatre évêques intégristes, dont Richard Williamson. Le Britannique a nié l'existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale.

Par Cathy Yogo, Le Jour, 18 mars 2009

1France 2 sera un des médias les plus bruyants dans le concert des réactions aux déclarations de Benoît XVI. La chaîne publique placera les émissions religieuses du dimanche 22 mars sous le signe du Sidaction, en signe d'opposition au Vatican.

2Notons la première partie de cette phrase. Le Pape condamne ainsi un non-engagement qui consiste à donner des moyens matériels sans assurer d'implication humaine. Pour lui, la cause du sida en Afrique vient d'un comportement, que le préservatif ne changera pas. Il rejoint en cela ceux qui dénoncent l'envoi de sacs de riz pour régler les problèmes de malnutrition - à cela prêt que manger du riz n'a rien d'immoral pour l'Eglise. Sa déclaration, au vu de la construction de la phrase, assimile le préservatif aux « slogans publicitaires » mais n'implique pas une négation totale a priori des bénéfices purement techniques du préservatif. Cette phrase peut-être interprétée à double sens. Les journalistes français, en oubliant la première partie, lui ont donnée le sens le plus dur, le plus catégorique.

Publié dans Cameroun, Dieu | Commentaires (0) |  Facebook | | | Isabelle

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