06/02/2009
A la recherche d’un vaccin contre l’antiaméricanisme.
L'antiaméricanisme, qui connaît un regain de virulence en France à chaque élection républicaine[1], est fondé sur l'impression que les Etats-Unis ont comme ambition de répandre partout où ils peuvent leur American way of life.
La politique extérieure des USA est en effet une succession de phases d'isolationnisme d'ouverture, dont la plus brutale vient après 1945. Les GIs avaient posé les jalons en échangeant avec les français libérés quelques bonnes bouteilles contre la boisson pétillante qu'on leur donnait dans leurs rations : le coca cola. La consommation était le meilleur moyen de diffuser l'American way of life. Un élément fut décisif dans cette diffusion : le Cinéma hollywoodien. Une véritable usine à identité américaine, un gigantesque moyen de publicité pour les chewing-gum, les jeans, le rock’n’roll, les cow-boys et les indiens. Léon Blum n'est pas seulement l'homme du Front Populaire et des congés payés. Il fut aussi le signataire[2] des accords qui, dans la période de la reconstruction, conditionnèrent l'aide américaine à l'ouverture des salles de cinéma françaises aux productions hollywoodiennes. Léon Blum ne signait pas : il abdiquait.
Alors qu’en 1953, plus de 40% des américains possèdent la télévision, il faut attendre 1966 pour que plus d'un français sur deux soient équipés du petit écran ! Inutile de dire que les programmes américains avaient une longueur d'avance. Leur diversité, au début des années cinquante, était déjà impressionnante : jeux, informations, séries calquées sur les westerns, enquêtes policières... Il était plus facile et moins cher pour les pays à la traîne de récupérer et traduire lesdites émissions. Pour le plus grand bonheur des dirigeants qui savaient à quel point ces émissions véhiculaient les valeurs, goûts et habitudes qu'ils voulaient voir diffuser. Et bien malgré ces opérations publicitaires, nous ne sommes pas devenus américains. Nous regardons sans comprendre. Trop gaulois dans notre tête, nous confondons Bush et César. Nous sommes allergiques aux américains ; seuls ceux qui pensent comme des français[3] trouvent grâce à nos yeux. Il nous faut une arme contre ce choc invisible des cultures. Saisissons nous de l’esprit américain, et nous aurons un vaccin contre notre intolérance.
Quel autre moyen pour chercher à saisir l'esprit américain que d'étudier en long, en large et en travers une série américaine ? Affaire non classée ! X-files est, à mon humble avis, une clé pour pénétrer cet univers illogique. Plusieurs raisons à ce choix : premièrement, le succès de la série. Deuxièmement, son sujet : pourquoi ne pas chercher à résoudre notre affaire non classée en travaillant sur les affaires non classées, créant ainsi un lien magique entre notre étude et le service du FBI relégué au sous-sol ? Avouez que l'occasion était tentante. Troisièmement, mon expérience personnelle m'a montré qu'une connaissance assez approfondie de la série permettait de s’approprier l'esprit américain. Les moyens pour y parvenir sortent de l'ordinaire ; c'est normal. Bienvenue au royaume des amateurs d'ovnis et de fantômes, bienvenu aux affaires non classées. Après tout, ne chassons-nous pas un esprit ?
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05/02/2009
Le SCAM Africain
Wikipedia appelle ça le "scam 419", ou la "fraude nigérianne", d'après le numéro de l'article du code nigérian sanctionnant ce type de fraude. Ces fraudeurs (scam signifie fraude) opèrent de fait dans le monde entier ; mais les messages venant d'Afrique sont extrêmement nombreux dans nos boites mails.
Le message est toujours le même :
'Je m'appelle untel, pour une raison x ou y je cherche à envoyer de l'argent sur votre compte (souvent, c'est pour le récupérer après), j'ai beaucoup prié pour tomber sur quelqu'un d'honnête (là, il essaie de vous avoir au sentiment), je suis dans une situation très difficile, et veuillez envoyer de l'argent liquide (western union ou autre) pour payer les frais du virement, du gardiennage (ou de n'importe quoi, pourvu que vous m'envoyiez des sous ;-) parce que l'argent que je veux virer est sur un compte bloqué dans telle ou telle banque africaine."
Naturellement, une fois après avoir naïvement envoyé les sous, vous en perdez la trace et ne recevez plus de nouvelles de votre scameur. L'arnaque est connue. On vous déconseillera fort de mener de plus amples investigations; vous y risqueriez plus que de l'argent. Ces arnaqueurs agissent souvent en bandes organisées, parfois sur le territoire français, et certains y ont laissé leur peau.
Comitragique
Dieu merci, la plupart des internautes sont maintenant prévenus et vaccinés contre ce type d'arnaque qui pourrissent les boites mails - on n'appelle pas ça "pourriel" pour rien. Après un bon fou rire, on songe cruellement au crétin naïf, avide (car presque toujours, on nous propose un pourcentage) ou trop pressé de venir en aide à son prochain, qui s'est fait avoir. Comme un vieux blanc épouse une jeune black qui n'a pas d'autres intentions que de divorcer sitôt la nationalité et la promesse d'une pension en poche.
Il m'est arrivé, selon l'humeur, d'en rire ou de m'en inquiéter. Il m'est arrivé de me demander ce qu'il arriverait si je prolongeais la farce, cherchant à en savoir plus. Il existe des chasseurs de scam 419 dans le monde, nouveaux chasseurs de primes, traquant les outlaws modernes de ce Far-West qu'est la planête Internet.
Mais hier soir, place à la consternation ! Car le message, en tout point semblable à ces grands-frères et soeurs, ne vient pas d'un mystérieux inconnu, mais d'une connaissance que je tenais au dessus de tous soupçons. Consternation ! Car apprendre que cette personne est malhonnête (ce qui ne m'étonnerait en rien) n'est rien comparé à la pensée qu'il me prend pour une imbécile !
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04/02/2009
Retour à la vie blésoise
De retour à Blois après de nombreuses années, entre Orléans, Lille et Yaoundé. L'occasion de commencer un blog, dont le lancement demande forcément un peu de temps ; et du temps, ici, on peut en trouver. Du moins en théorie...
Blois est une ville surprenante. Depuis les fastes et paillettes de Jack Lang qui nous a quitté en 2001, nous avons changé de maire à chaque mandat. Nicolas Perruchot, 2001-2008, plus maintenant Marc Gricourt, 2008-20--.
C'est curieux; Blois ne s'est pas réveillée à chaque changement, comme on aurait pu l'espérer. Delphi s'éteind, la caserne s'est retirée, et même la chocolaterie Poulain a quitté les murs, s'enfermant dans une usine comme dans un blockhaus. Les petits commerces éprouvent des difficultés croissantes en centre ville, et ferment les uns après les autres. La délocalisation des cinémas en dehors de la ville, avec la création de Cap Ciné, n'a pas arrangé une vie noctambule à l'état néant. La nuit, à Blois, on dort. Essayez donc d'aller boire un verre en ville après 22 heure, oui, même le samedi. Tenez, sur la place du chateau ils rangeaient déjà les chaises, par une soirée magnifique de juillet 2008, à 21 heure. Pas même un troupeau de japonais pour s'attarder plus d'une courte journée entre deux chateaux de la Loire. De temps à autres, quelques urluberlus brûlent des voitures, dans une tentative de réchauffer l'atmosphère qui ne peut convaincre qu'eux même, et encore. Les eaux ligériennes sont passées sous le pont Jacques Gabriel, depuis l'assassinat du Duc de Guise.
Et pourtant, elles sont grandes les possibilités de cette ville ! "Le gars qui me promet un Mac Do dans le centre ville, je vote pour lui !" déclare un de mes frangins. Mac Do, antenne de l'université d'Orléans, retour de Cap Ciné en centre ville (ne rêvons pas), et quelques mesures fiscales pour attirer les entreprises... ou éviter déjà, le départ de celles qui sont là. "Le directeur du Centre culturel Leclerc était un pote de Perruchot, c'est pour ça qu'il s'est mis en quatre !" me déclare une tête de liste d'un parti d'opposition. Oui, ça se murmure; et bien, il est dommage que Perruchot n'aie pas eu dans son carquois quelques amis supplémentaires !
Et pourtant... en trois semaines de radio, j'ai découvert Blois comme jamais avant : tout est sujet à causerie. L'arrivée d'un nouveau procureur, des élections partielles dans un canton, des lycéens qui manifestent - ou du moins qui essaient. Des ingénieurs en partance pour un rallye marocain, une découverte de Romorantin, capitale de la Sologne. Les petites histoires des gens qui ont fait des choses, dans leur vie, de ceux qui en font encore. Dans cette ville que l'Histoire a laissée, échouée sur les deux rives de la Loire, il y a encore de la vie.
Et tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir !
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29/01/2009
Introduction
En quittant l’Ambassade de France, en juin 2007, j’avais choisi de prolonger mon séjour au Cameroun dans l’optique d’y effectuer un "stage court en entreprise". Par mon travail au service de presse de l’Ambassade, j’avais déjà de bons contacts dans l’univers des médias, et trouver un stage dans la presse n’était pas une difficulté.
L’intérêt pour moi n’était pas seulement de me frotter au métier : j’espérais aussi approfondir ma connaissance du pays et du monde de la presse au Cameroun. Je soupçonnais alors que ce que j’allais découvrir pendant ce stage pouvait modifier grandement mes impressions ; j’allais en quelque sorte me retrouver de l’autre côté du miroir.
Le journal que j’ai finalement choisi est un des trois grands quotidiens d’information générale de la presse privée au Cameroun, le journal Mutations. Plus neutre et souvent plus dynamique, il est même parfois considéré comme le plus important. La fréquence des stages effectués par des étudiants européens m’inspirait confiance ; le quotidien Mutations a en effet accueilli à plusieurs reprises des stagiaires des écoles de journalisme, et j’ai été rejoint dans la dernière semaine par un étudiant britannique.
Les difficultés rencontrées pendant ce stage sont tout d’abord les difficultés habituelles que peut rencontrer un étudiant n’ayant encore jamais travaillé dans un quotidien, lorsqu’il est subitement confronté aux demandes d’un rédacteur en chef. Mais une autre part des difficultés rencontrées sur le terrain a aussi tenu à sa nature, et aux conditions de travail des journalistes au Cameroun. Ce n’était pourtant nullement une double surprise, car j’anticipais ces difficultés, ayant passé déjà neuf mois à Yaoundé.
J’ai eu l’occasion également grâce à ce stage de toucher le cœur d’une de ces affaires étranges qui bouleversent le petit monde de la presse camerounaise. En effet le journal Mutations a traversé une crise difficile durant le mois de juillet, lorsque le Directeur de Publication, monsieur Haman Mana, qui était aussi un des piliers du journal, s’est retiré sans crier gare dans des circonstances que je relaterai.
Je m’attacherai donc au cours de ce rapport à décrire la réalité du journalisme dans la presse écrite au Cameroun, tant à travers le fonctionnement de ce quotidien national, son histoire et sa dernière crise, que par le détail du travail effectué au cours de ce stage.
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28/01/2009
Première partie : Mutations
Les difficultés principales que j’ai rencontrées pendant ce stage ont tenu à la nature du terrain autant qu’aux conditions de travail des journalistes au Cameroun. Lorsque j’ai demandé ce stage, j’ai précisé que je me passerais de salaire et que j’acceptais également de prendre les frais d’enquête à ma charge. Connaissant déjà quelque peu le terrain, je montrais ainsi que je ne me faisais aucune illusion. Je me trouvais dans les mêmes conditions que de nombreux journalistes à Yaoundé, qui travaillent parfois sans salaire, sans même être reconnus par leur employeur. J’ai partagé la vie des journalistes à plein temps. Yaoundé est un microcosme ; tous les journalistes se connaissent et collaborent souvent. Connaître déjà les journalistes a été un atout pour moi : je travaillais avec eux, et je déjeunais, sortais et discutais aussi beaucoup avec eux. J’ai appris que les informations se partageaient en dehors des heures de travail, aux terrasses ou dans les restaurants. Les articles et les émissions se discutent principalement dans les petits restos et bars qui entourent les rédactions et les radios. C’est aussi là que l’on peut se faire connaître et rencontrer les gens. C’est là que les véritables critiques tombent, sur les actions du gouvernement, sur le traitement par la presse de tel ou tel événement, sur les campagnes politiques ou les dernières rencontres sportives. Les discussions entre journalistes répondent à des codes et des règles : ils procèdent par allusions, évoquant les personnes par leurs initiales ou leur surnom… Ces discussions, qui n’avaient aucun sens et me paraissaient sans intérêt au départ, ont peu à peu été essentielles à mon intégration dans l’univers des médias camerounais. Ce milieu des médias m’a vite paru amical, intéressant, et j’ai beaucoup apprécié le climat qui régnait dans certains de ces groupes. On trouve, dans l’univers des médias camerounais, beaucoup de gens qui ne possèdent rien mais ont beaucoup à dire, et acceptent, pour trois bouchées de pain, de travailler 45 heures par semaine. On y trouve aussi, hélas, beaucoup d’aventuriers qui rôdent dans les parages des radios et rédactions espérant dégotter quelques tuyaux, travaillant dans la presse à gage et nuisant à la profession. Le métier est très poreux au Cameroun, et s’il existe une Carte Nationale de la Presse, elle est souvent délivrée à tort et à travers.
Que vaut, concrètement, le journalisme camerounais ? Il m’est difficile d’en juger, tant on trouve de tout, et je ne suis pas forcément la mieux placée pour le faire. Je parlerais plus volontiers des conditions matérielles de travail. La presse fait avec de petits moyens. Il suffit de voir à quoi ressemble un quotidien national réputé pour le comprendre : avec leur dix à douze page en bicolore imprimées sur du mauvais papier, les grands quotidiens camerounais font plus piètres figures que certaines feuilles paroissiales dans les provinces françaises. En lisant les articles, on remarque de nombreuses fautes de style et d’orthographe. Les relecteurs sont très peu nombreux, et il n’existe des postes entièrement dédiés à la relecture que dans les grands quotidiens. De nombreuses coquilles passent à travers les mailles du filet ! Il n’existe d’autre part pas de photographe professionnel. A Mutations, un stagiaire anglais dont c’était la spécialité s’en occupait. Le reste du temps, tous les journalistes prenaient leurs propres photos, empruntant les appareils (numérique, tout de même) à ceux qui en possédaient. Ce n’était pas sans risque : mon appareil photo a été volé pendant ce stage, et j’ai craint plusieurs fois de me faire dérober celui que j’empruntais occasionnellement. Un autre détail : il y a peu d’ordinateur en état de fonctionner dans la salle de rédaction. C’était souvent la course en fin de journée pour boucler la rédaction d’un article ! Tout ceci peut expliquer les apparences quelque peu déroutantes d'un papier que l'on présente comme une parution importante. La faiblesse du tirage et des ressources liées à la publicité explique en large partie des difficultés financières source de nombreux problèmes. La corruption du secteur n'est pas le moindre. Signalons toutefois l'effort entrepris par les journalistes et certains médias pour encourager la formation1.
1 Au sujet de la formation des journalistes au Cameroun, cette enquête : http://unesdoc.unesco.org/images/0015/001514/151496f.pdf
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