25/10/2014
Il y a trois ans : des ptits cathos rue de l'Evangile...
C'était il y a trois ans, jour pour jour, le 25 octobre 2011. L'époque où nous étions jeunes et naïfs.
Rappelez-vous: on jouait une pièce au théâtre du Châtelet, qui s'appelait... inutile de rappeler son nom. Toujours est-il que l'artiste croyait très malin de représenter le visage du Christ couvert de caca. Il rejoindra certain sculpteur dans les annales - ou pas.
J'ai reçu un texto la veille d'une amie pas du tout paroissienne de St Nicolas, et encore moins membre du Gud. Mais comme ça avait quand même des relents de Civitas dont je connais les talents de comm, j'en ai d'abord parlé à mon Père Spi, simple vicaire parisien bêtement conciliaire. Il m'avait encouragé à voir de mes propres yeux.
Que nous étions innocents, mon Dieu, quand j'y repense.
Ce soir là, on était une petite centaine peut-être à s'être donné rendez-vous au métro Etienne Marcel. A la sortie, deux tiers de minettes style quinzième arrondissement (St Léon, St Jean-Baptiste de la Salle, vous voyez le topo quoi), accompagnées de quelques gars, plus typés catho que facho. Jusque là, pas de parfum Civitas, tout le monde se connaît et y'a même pas que du tradi. L'idée: se rendre calmement devant le théâtre pour manifester pacifiquement, genre sitting. Les CRS rappliquent, on est encerclé. Personne ne songe à fuir. On reste là comme des blaireaux... Certains se marrent devant le ridicule de cette situation (j'en fait partie), d'autres ne font pas les fiers. Un commissaire nous annonce que notre manif n'est pas déclarée et qu'on va être embarqués. Aucune sommation d'usage à mon souvenir. On ne nous demande pas de nous disperser. Une amie lance un rosaire (autant s'occuper utilement). Les CRS, harnachés comme pour la guerre, se sentent maintenant un peu cons... Ils relâchent boucliers et matraques.
On poireaute deux heures dans des bus surchauffés. On finit notre rosaire, on chante, on discute, on appelle des avocats. A l'époque, ces avocats qui seront les mêmes que pour les manifs de mai 2013 nous disent de signer tout ce qu'on nous présentera. Le discours a changé depuis... Mais à l'époque on pensait encore que si quelqu'un était embarqué, oui, même un ptit catho, c'est qu'il l'avait un peu cherché quand même... D'où les réactions dans la presse catho d'ailleurs.
Au commissariat de la rue de l'Evangile, on prend possession des cellules qui en verront tant passer deux ans plus tard. On signe un papier déclarant qu'on avait participé à une manifestation non déclarée devant le Théâtre du Châtelet (ce qui est faux, puisqu'on a été embarqué à Etienne Marcel sans jamais avoir mis les pieds au Châtelet, et sans avoir jamais manifesté). Les flics affichent la même mine que s'ils avaient dû contrôler une bande de martiens à tentacules en goguette (genre WTF O_o). On est sorti sur les coups de minuit. J'étais tellement remontée que je suis retournée tous les soirs devant le Théâtre. On se dispersait deux par deux pour discuter avec les passants, au début de la raison de notre présence, puis de Jésus-Christ en personne... L'évangélisation de rue, quoi. Jusqu'à l'heure où, chaque soir, les gendarmes (qui avaient remplacé les CRS) nous encerclent étroitement, empêchant le contact avec le tout venant.
Il y avait deux styles. Ceux qui venaient pour en découdre, conservaient des œufs à lancer dans leur sac, huaient et lançaient des chants un peu limite facho quoi. Et ceux, plus nombreux chaque soir, qui priaient, discutaient, brandissaient des pancartes "Respectez Jésus Moïse Mahomet" (ça grinçait des dents côtés St Nic) ou "Christ Caillassé, Chrétiens insultés"... qui lançaient des slogans-choc tel que "Jésus vous aime" (impayable, la tête des gendarmes à ce moment). Les rangos à côté des sacs JMJ (de Madrid, on en revenait)... Mais les deuxièmes, plus nombreux, avaient le bon goût de relancer un Ave dès que les chants et slogans devenaient "limite": l'art de tuer la déconne dans l’œuf. Nous étions déjà nombreux à attendre autre chose que la frilosité épiscopale ou l’irréflexion civitasienne (pour être honnête, tous les évêques ne sont pas frileux et tous les proches de civitas ne sont pas stupides non plus).
Nous vivions un moment étrange, inattendu, fait de cette ambiance qui règne quand le pouvoir réagit d'une manière tellement disproportionnée que cela semble un peu irréel. D'ailleurs, pour beaucoup, c'était irréel: il suffisait de lire les articles de presse complètement à côté de la plaque. Ceux qui n'étaient pas plus que ça Civitas ont appelés tous les soirs le diocèse de Paris pour savoir que faire... "Mgr encourage à manifester mais de manière pacifique", entendions-nous, avant d'être cruellement désavoués par un communiqué après les manifs... Puis réhabilités, en partie, par Daniel Ange ou Mgr Centène. Daniel Ange, celui qui écrivit "Mai 13".
Une centaine de petits cathos sans histoire venaient de basculer dans une autre dimension.
Bientôt, ils allaient être des milliers.
Publié dans Dieu, Société | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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