18/02/2014
Quand un ex-Tomboy regarde le film Tomboy
Il n'y a que les subventions pour financer ce machin ! Mais explorons quand même les quelques raisons qui ont fait de ce film un vrai navet.
Après avoir vu Tomboy, je suis catégorique ; il n'y a que les subventions pour financer un navet pareil ! C'est bien un bon film éducatif à la française ce truc... Si vous voulez du témoignage de Tomboy, je vous raconterais mon enfance, y'a vachement plus d'action. Dans ce film, on découvre la personnalité pas très attachante d'une fille de dix ans, Laure, qui serait un garçon manqué. Je me permets déjà une remarque : Laure a beaucoup trop besoin d'observer et de calculer pour rendre son jeu crédible ; comment les garçons crachent, retirent leur chemise, parlent... Un vrai garçon manqué fait tout cela naturellement !
Sur la forme :
1h18 d'ennui. On dirait un genre de docu-fiction plutôt qu'un film. Mais un documentaire sur les poissons rouges, pas sur les loups d'Alaska.
De longues, très longues plages de silence, peut-être artistique (le silence des secrets de Laure...), des conversations creuses, aucun rythme, pas de musique, un scénario inexistant (la seule menace est qu'on découvre le secret de "Mickael", l'avatar masculin de Laure, pas passionnant quoi).
Ça se traîne, ça s'enlise, c'est d'une lenteur telle qu'un adulte s'y emmerde. Alors un enfant...
Aaaah, le réalisateur nous expliquera certainement que tout a un sens, tout est artistique... tant mieux pour lui et heureusement que c''est un film éducatif ultra subventionné. Ça aurait fait un bide en salle, sinon.
Sur le fond :
- Euh, la menteus-eu...
D'une part, qu'une fille joue au foot n'a jamais dérangé les autres enfants (manquerait plus que ça). Les enfants ne sont pas aussi manipulés par les stéréotypes de genre que Vincent Peillon voudrait nous le faire croire. Ils sont encore dans le jeu, et n'ont pas totalement pris conscience que leurs jeux, au regard des adultes, pouvaient être connotés "gender". Leurs jeux sont expérimentation du réel. Tout ou presque est permis, comme dans un roman de fantasy. D'autre part, une fille qui joue au garçon n'est pas une menace tant que cela reste un jeu. En revanche, dans ce jeu, on retrouve les notions de justice, de loyauté, de courage. C'est là que Laure ne respecte plus les règles du jeu. C'est une tricheuse. Et un enfant qui ment à tous ses camarades n'a aucun ami puisqu'il n'a confiance en personne... et ne profite jamais de la vie puisqu'il est dans la peur permanente qu'on découvre sa petite manipulation. Bref, c'est une psychotique en puissance. L'identification est flippante.
- Déprime et angoisse
Du coup, Laure fait la gueule. On lui arrache à peine un sourire de temps en temps. Le seul rire de Laure, c'est quand elle partage son secret avec sa petite sœur, symptomatique. Cette gamine est triste à mourir ! Et quand la vérité se découvre, c'est la fin de tout ; c'est ce qu'on avait craint (ou attendu) pendant tout le film. C'est la mort de Mickael, l'avatar mec de Laure... J'ai presque cru que l'héroïne allait se jeter du balcon dans la dernière scène pour symboliser cette mort. Là, ça aurait pas manqué de panache. Et ç'aurait été une fin logique à un film glauque dans lequel le spectateur angoisse du début à la fin.
- Sexualité ?
Ce qui rend Laure encore plus insupportable : Lisa est manipulée par Laure puisqu'elle ignore un fait important sur son identité ; elle ne serait pas "tombée amoureuse" (à 10 ans ! laissez-moi rire) de Laure si elle avait su qu'il s'agissait d'une fille. Ce n'est donc pas à proprement parler de l'homosexualité. Il n'empêche que dans ce film, l'homosexualité est causée par un mensonge sur l'identité d'un des deux partenaires. En plus on voudrait nous faire gober que leur sexualité est celle d'adultes. Avant d'imiter un garçon en embrassant Lisa, Laure a imité... un monsieur. Les petits garçons et les petites filles qui se font des bisous jouent en fait aux "grands", puis à l'adolescence se prennent pour des grands (sans en être encore). De mon temps on appelait ça "jouer au papa et à la maman". Ce qui est gênant dans ce film, c'est qu'il ne tranche pas : Laure est-elle un garçon manqué ou un transsexuel ? Le titre du film nous ferait pencher en faveur du premier. La tonalité de la réalisatrice, en faveur du second. Or (n'en déplaise à madame Peillon ou monsieur Belkacem), un garçon manqué et un transsexuel, ce n'est pas la même chose.
- L'absence du jeu
La place du jeu brille par son absence. La seule mention qui en est faite, c'est quand le réalisateur fait dire à la mère de Laure "ça ne me dérangeait pas que tu joues au garçon". On comprend que maintenant, Laure ne joue plus. Elle se prend vraiment pour un garçon. Mais qui jouait vraiment dans cette histoire ? Les autres enfants ? A dix ans, ils organisent foots et baignades, comme une bande de copains adultes feraient. Ils jouent au ballon ; ils ne jouent pas une pièce, alors que le jeu de rôle spontané est pourtant l'apanage de l'enfance. Où sont les pirates ? Où sont les méchants ? Où est la sorcière ? Où est la princesse ? Où est le trésor ? Où est la cabane ? Finalement, est-ce que Laure ne serait pas la seule à "jouer" ? Les autres ne sont pas ses partenaires de jeu puisqu'ils n'en connaissent pas les règles. Ils sont des éléments du décor dans lequel évolue Laure. Elle est donc extrêmement seule (un peu moins quand sa petite sœur la rejoint dans son jeu, le film est d'ailleurs plus léger à ce moment). Mais surtout comment construire son identité quand on est seul sur sa planète ?
Les enfants ont le sens de l'honneur ; la condamnation sera unanime (même si le pardon est possible). A l'écran... et peut-être aussi dans la salle.
- Le regard des adultes
Je ne sais pas si c'est l'objectif de ceux qui veulent diffuser ce film. Je suppose qu'ils veulent démontrer qu'une fille peut être un garçon, et que c'est le regard qui fait l'identité. Ce serait en effet la réflexion d'un adulte. Laure devient un transgenre. Elle ne fait pas semblant, elle est vraiment un garçon prisonnier d'un corps de fille. Ils peuvent le présenter comme ça aux gosses, qui liront le film avec les lunettes faussées d'adultes idéologues, parce que les enfants peuvent être manipulés. Ils se diront alors que ce n'est pas Laure qui a menti, c'est la société. Présenté comme ça, le film ne sera pas seulement chiant, pas seulement triste, mais en plus déstabilisant.
Bref, en conclusion :
Une oeuvre culturelle de manipulation, on peut toujours dévoiler son vrai visage. Tomboy est filmé comme un docu fiction et décrit des faits réalistes. Cela aurait pu se passer exactement comme cela. Les faits peuvent être trompeurs, mais ils ne peuvent pas mentir. Les enfants qui ont vu Tomboy devront exercer leur sens critique pour ne pas gober les conclusions qu'on veut leur donner. A leurs professeurs, à leurs parents, de les y aider ; seuls, ils seront très démunis face aux idéologues. Mais ce qui ne tue pas rends plus fort... En attendant, l'ex-Tomboy que je suis s'élève contre ce machin qui donne une image déplorable des garçons-manqués ^^. Par réaction, des parents pourraient très bien surinterpréter des comportements appelés à se résorber ou exclure le petit camarade bizarre. Je pense qu'il faut ancrer les enfants dans le réel ; leur rappeler qu'une fille reste une fille même si elle joue à de jeux de garçons, que le mensonge c'est toujours mal, que l'amitié implique la loyauté. Et si votre fille joue à des jeux de garçons et cherche une héroïne qui lui ressemble, offrez lui plutôt le club des Cinq.
Parce que :
1) Claude ne ment jamais sur son sexe (ni sur rien) (sauf aux méchants),
2) Les enfants vivent des aventures incroyables,
3) Ils sont heureux de vivre !
4) Ouah ! fit Dagobert.
Mais ne vous plantez pas sur l'édition, prenez une ancienne, la nouvelle a été complètement remaniée.
Sinon il y a aussi l'excellent "La guêpe et les frelons" de Mik Fondal (Les Enquête du Chat-Tigre, réédité aux Editions du Triomphe). Génial.
Publié dans Culture, Société | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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