22/07/2013
Veiller avec les Hobbits - Livre VI (19/20)
Le dernier choix
Voir un résumé de l'histoire - Voir les épisodes précédents
Frodon et Sam arrivent au pied de la montagne du destin, et là encore Sam se retrouve à veiller, en proie au doute.
Il ne pouvait dormir, et il mena un débat avec lui-même. « Allons, voyons, on a fait mieux que tu ne l’espérais, dit-il résolument. On avait bien commencé, en tout cas. Je crois qu'on a dû parcourir la moitié de la distance avant de s’arrêter. Un jour encore suffira. » Et il s’arrêta.
« Ne sois pas stupide, Sam Gamegie, répondit sa propre voix. Il n'ira pas un jour de plus comme ça, s'il peut même aucunement bouger. Et tu ne peux pas continuer encore longtemps en lui donnant toute l'eau et la majeure partie de la nourriture. »
« Je peux faire encore pas mal de chemin, et je le ferai. »
« Pour aller où ? »
« A la montagne, bien-sûr. »
« Et alors, Sam Gamegie, une fois là ? Une fois là, que feras-tu ? Il ne pourra rien faire par lui-même. »
A son désarroi, Sam se rendit compte qu'il n'avait rien à répondre a cela. Il n'avait aucune idée claire. Frodon ne lui avait guère parlé de sa mission, et Sam ne savait que vaguement que l'Anneau devait de façon ou d'autre être mis dans le feu. « Les Crevasses du Destin », murmura-t-il, tandis que le vieux nom surgissait dans son esprit. « Eh bien, si le Maître sait où les trouver, moi je n'en sais rien. »
La réponse vint aussitôt : « Tu vois ! Tout cela est parfaitement vain. Il l'a dit lui-même. C'est toi l’imbécile, à continuer à espérer et à peiner. Vous auriez pu vous étendre et vous endormir tous les deux il y a plusieurs jours déjà, si tu n'avais pas été aussi obstiné. Mais tu mourras tout autant, et peut-être d'une mort pire. Tu ferais aussi bien de te coucher maintenant et d'abandonner. Tu n'arriveras jamais au sommet, de toute façon. »
« J'y arriverai, dussé-je tout laisser derrière hormis mes os, dit Sam. Et je porterai moi-même Monsieur Frodon jusqu'en haut, même si cela doit me rompre le dos et le cœur. Alors, assez discuté ! »
A ce moment, Sam sentit sous lui un tremblement dans le sol, et il entendit ou sentit intuitivement un grondement éloigné, comme d'un tonnerre enfermé sous terre. Il y eut une brève flamme rouge qui tremblota sous les nuages avant de disparaître La Montagne aussi avait le sommeil agité.
Livre VI, chapitre III, p 1001-1002
Sam a compris finalement que cette quête lui demanderait aussi sa vie. Mais il ne l'a pas compris d'un seul coup. C'est à force d'une multitude de petits choix, toujours pris dans la même direction, qu'il en arrive à ce choix crucial. Ainsi la parole d'Elrond quelques mois plus tôt se réalise : « Plus loin vous irez, moins il vous sera facile de vous retirer ; cependant, aucun serment ni aucune obligation ne vous oblige à aller plus loin que vous ne le voudrez. Car vous ne connaissez pas encore votre force d’âme... » Sam aurait été bien en peine de prédire qu'il serait celui des huit compagnons de Frodon qui irait jusqu'au bout, celui qui continuerait d'avancer lorsque même les forces de Frodon l'abandonneraient. Nous ne savons pas non plus où nous entraînera notre engagement présent. Mais contentons-nous de nous engager aujourd'hui et maintenant. Et peut-être que ce qui nous paraît banal aujourd'hui semblera héroïque aux yeux des autres ; peut-être aussi que ce qui nous semble héroïque aujourd'hui nous paraîtra facile demain, parce que, comme Sam, nous nous serons contenté de faire ce qui nous paraissait bon et utile à l'instant présent. Gardons au cœur que jamais nous ne serons tenus d'accomplir des exploits que nous n'avons pas la force d'accomplir, et - si nous avons la foi en Dieu - qu'une vertu de force finale nous sera accordée si notre devoir demande plus que ce que nous pouvons donner.
Publié dans Culture | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
Les commentaires sont fermés.