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24/07/2013

Veiller avec les Hobbits - Livre VI (20/20)

A la fin de toutes choses

Voir un résumé de l'histoire - Voir les épisodes précédents

Alors que la bataille fait rage devant les portes noires du Mordor, mettant aux prises les armées de Sauron et les hommes du Gondor et de Rohan, Sam et Frodon sont parvenus dans la forge de Sauron, sur la paroi de la Montagne du Destin. L'anneau a été détruit ; Sauron est tombé de son trône, et sa place forte réduite à néant. Mais alors que la bataille tourne en la faveur des hommes, le volcan entre en éruption. Et les deux hobbits, qui ont renoncé à leur propre vie pour sauver ce qui pouvait l'être, sont au cœur de la tourmente. Frodon, enfin libéré de l'emprise de l'anneau, est tout prêt à se laisser mourir.

« Je suis heureux que tu sois ici avec moi, » dit Frodon. « Ici, à la fin de toutes choses, Sam. » 

« Oui, je suis avec vous, Maître, » dit Sam, portant doucement à sa poitrine la main blessée de Frodon. Et vous êtes avec moi. Et le voyage est achevé. Mais après tout ce chemin, je ne veux pas encore renoncer. Ce n'est pas mon genre, en quelque sorte, si vous voyez ce que je veux dire. »

« Peut-être pas, Sam, » dit Frodon ; « mais ainsi vont les choses dans le monde. L'espoir n'aboutit pas. Une fin vient. Nous avons peu de temps à attendre, maintenant. Nous sommes perdus dans la ruine et l'effondrement, et il n'y a aucun moyen d'y échapper. »

« En tout cas, Maître, on pourrait au moins s’éloigner de ce dangereux endroit, de cette Crevasse du Destin, si c'est comme ça que ça s'appelle. Non ? Allons, Monsieur Frodon, descendons toujours le sentier ! »

« Bon, Sam. Si tu y tiens, j'irai », dit Frodon. Ils se levèrent et descendirent lentement le long de la route en lacets; et, comme ils allaient vers le pied ébranlé de la Montagne, le Sammath Naur rejeta une grande fumée et des vapeurs ; le côté du cône s'ouvrit, et un énorme vomissement roula en une lente cascade tonnante le long du flanc oriental de la montagne.

Frodon et Sam ne purent aller plus loin. Leur dernière force d’âme et de corps déclinait rapidement. Ils avaient atteint une petite colline de cendres au pied de la Montagne ; mais de là, il n'y avait plus de moyen d’échapper. C’était à présent une île, qui ne durerait plus longtemps au milieu du tourment de l'Orodruin. Tout autour, la terre s'ouvrait, et de profonds puits et crevasses jaillissaient de la fumée et des vapeurs. Derrière eux, la Montagne était en convulsion. De grandes déchirures s'ouvraient dans son flanc. De lentes rivières de feu descendaient vers elles le long des pentes. Elles furent bientôt englouties. Une pluie de cendre chaude tombait.

Ils se tenaient debout, à présent; Sam serrait la main de son maître et la caressait. Il soupira.

« Dans quelle histoire nous avons été, hein, Monsieur Frodon ! » dit-il. « Je voudrais bien pouvoir l'entendre raconter ! Croyez-vous qu'on dira : Et maintenant, voici l'histoire de Frodon aux Neuf-Doigts et de l'Anneau du Destin ? et alors, tout le monde fera silence, comme nous le fîmes quand, à Fondcombe, on nous a raconte l'histoire de Beren à la Main Unique et du Grand Joyau. Je voudrais bien pouvoir l'entendre ! Et je me demande quelle sera la suite après notre partie. »

Mais, tandis qu'il parlait pour éloigner la peur jusqu'au dernier moment, ses yeux vaguaient toujours vers le nord, le nord froid, se muant en grand vent, repoussait l'obscurité et les nuages défaits.

Et ce fut ainsi que Gwaihir les vit de ses yeux perçants et à longue portée, comme il venait sur le vent furieux et que, défiant le grand péril des cieux, il tournoyait dans l'air : deux petites formes sombres, perdues, main dans la main, sur une petite colline, tandis que le monde tremblait sous eux et haletait et que les rivières de feu approchaient. Et au moment où, les ayant décelés, il fonçait sur eux, il les vit tomber, épuisés ou suffoqués par les fumées et la chaleur ou finalement abattus par le désespoir, et se cachant les yeux devant la mort.

Ils gisaient côte à côte ; Gwaihir fonça, tandis que Landroval et Meneldor le rapide descendaient également ; et, dans un rêve, sans savoir quel sort leur était échu, les voyageurs furent soulevés et emportés au loin hors de l’obscurité et du feu. 

Livre VI, Chapitre IV, p 1013-1014

C'est une fin heureuse. Nous n'aurons pas la chance de voir des aigles nous emporter loin de la tourmente. Nous sommes encore dans les heures de combat de l'histoire. Mais l'histoire ne s'arrête pas là ; car si Sam rentre chez lui pour se marier, être élu maire et profiter longtemps de sa vie, Frodon lui ne parviendra pas à trouver la paix. Au bout de quelques années, il traversera la mer à la suite des elfes pour passer le reste de sa vie à Valinor, une terre où ses blessures trouveront la guérison. 

Nous sommes tous, au cœur de cette longue nuit, des porteurs de l'anneau. Notre premier combat n'est pas dans les armes, mais dans le silence de notre cœur. Si nous n'arrivons pas à préserver la paix, la charité, l'humilité, si nous ne venons pas pour défendre le beau, le vrai et le faible, alors nous ne servons plus à rien. Alors nous perdons. Alors nous transformons la victoire en défaite. 

Il ne s'agit pas de dénigrer d'autres engagements plus actifs. Ils font partie de cette grande histoire, au même titre qu'Aragorn, Eomer, Gandalf, font partie de l'histoire du Seigneur des Anneaux. Mais quels que soient les engagements que nous prenons – et ils peuvent être multiples – nous devons garder à l'esprit que nous ne pouvons combattre la haine avec la haine ou le mensonge avec le mensonge, que tout conflit est un mal auquel nous sommes soumis, en tant que défenseurs, mais que nous ne pouvons que regretter.

Faramir, capitaine de guerre, expliquait à Sam et Frodon : « Je n'aime pas le glaive luisant pour son acuité,ni la flèche pour sa rapidité, ni le guerrier pour sa gloire. J'aime seulement ce qu'ils défendent ». J'espère qu'un jour, les manifestants baisseront leur pancarte. Que les Hommens iront se rhabiller. Que les télétransporteurs rentreront chez eux. Que les veilleurs iront se reposer. Non parce que nous aurons renoncé. 

Mais parce que le soleil se sera levé.

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