05/06/2009
Etats généraux de la Bioéthique : pourquoi faut-il faire valoir aujourd'hui la raison humaine ?
Des embryons congelés, la création d'êtres hybrides autorisée en Angleterre, le clonage annoncé, les mères porteuses, ou encore l'entrée dans l'ère de l'enfant parfait, zéro défaut, dessinant les contours d'une société eugénique, à l'insu des souhaits individuels. L'Homme semble dépassé par la science. Les médecins avouent leur malaise, comme en témoigne le professeur Damien Subtil, gynécologue à l'hôpital Jeanne-de-Flandre : "Le métier devient de plus en plus difficile, parce que tout ce qui est possible devient un droit. Nous, les médecins, nous avons vraiment besoin de l'avis de la société, car les avancées de la science nous font peur".
Et en effet, chaque nouvelle découverte entraîne une avalanche de conséquences, qui loin d'être de pures applications médicales, sont de véritables transformations sociétales. Il est déjà loin, le temps de la découverte du gêne de la trisomie, alors que Jérôme Lejeune entrevoyait avec horreur le potentiel eugénique de sa découverte, un peu à la manière dont Einstein regretta la sauvagerie mortelle engendrée par ses recherches effectuées dans la paix du laboratoire. Nous arrivons à un stade, où ce ne sont plus seulement les embryons malades qui sont supprimés, mais aussi les embryons potentiellement malade. Un simple diagnostic permet de découvrir les gênes de prédisposition – c'est à dire que rien n'est certain – au cancer, à la sclérose en plaque, et pourquoi pas demain, à l'autisme, l'obésité, la dépression ou Alzeihmer. Dieu merci, il n'existe pas de gêne de prédisposition à l'accident de voiture ou au chômage. Mais même ainsi, comme le soulignait le cancérologue et président de l'Association pour les Droits de la Vie Xavier Mirabel, "peut-être qu'aucun d'entre nous ne passerait demain à travers le filtre". Le meilleur des mondes serait-il encore un récit de science fiction, à l'heure ou les élucubrations d'X-Files semblent devoir se réaliser sous nos yeux ? Il arrive un moment où individuel et universel se rejoignent, comme le faisait remarquer Anne Ponce dans le Pèlerin du 23 avril dernier, à l'occasion d'un dossier bioéthique : "aucun de nous, dans ses choix, ne peut se sentir quitte de l'universel".
La vie en question
De manière réciproque, on pourrait ajouter que la loi, qui est universelle, s'applique à chacun sur un plan individuel. Voilà pourquoi la loi française s'intéresse à la bioéthique, voilà pourquoi la société dans son ensemble est concernée et appelée à s'exprimer. Parents d'enfants handicapés, couples vivant l'épreuve de la stérilité, personnes âgées, personnels soignants, ainsi que juristes (eh oui, le droit de la famille ou de la succession se trouve aussi chamboulé), hommes politiques mis en demeure d'apporter des réponses, croyants et non-croyants, tous nous sommes concernés, potentiellement ou directement, par un de ces enjeux touchant à la vie humaine et dont on regroupe les problématique sous le vocable de bioéthique.
Bioéthique : le terme est de naissance récente. Le dictionnaire (Petit Larousse illustré, 1987) est laconique : "Science de la morale médicale". Un peu de grec ancien nous apprend que le terme bio se rapporte à la vie et le terme d'éthique se rapporte à la morale en temps que loi des moeurs. Un tour su Wikipedia nous enseigne que la définition n'est pas si simple et prête à des débats passionnés. La paternité du terme reviendrait à Rensselaer van Potter, qui l'a utilisé dans un livre, Bioethics, Bridge to the Future, publié en 1971 : 25 ans après la découverte morbide des camps d'extermination, où des médecins nazis menaient des expériences sur des personnes humaines. 25 ans aussi après l'explosion d'Hiroshima, et durant ces 25 années, la science découvre comment empêcher la procréation, ramener des blessés des frontières de la mort... Avec ces progrès, de nouvelles questions se posent. Rensselaer van Potter définit son néologisme comme "la compréhension des relations établies par notre cerveau pensant entre le savoir biologique, d’une part, et la conscience sociale et philosophique, d’autre part". La bioéthique se trouve donc au croisement de plusieurs disciplines, science et philosophie, médecine et morale, et de plus en plus le droit ou la politique. Il n'est donc pas étonnant que la société entière se mobilise, à l'occasion des Etats Généraux de la Bioéthique institués par le gouvernement en prévision de la révision de la loi bioéthique, et dont la phase de débat public prendra fin dans un peu moins d'un mois. La bioéthique est-elle alors la réponse de la philosophie à la science ? "La véritable question est le commencement de la vie", expliquait le Père Dominique Foyer à la Faculté Libre de Lille récemment, lors d'un débat orchestré par le Pèlerin. Définir la vie, un enjeu de société que l'on peut décliner en trois questions concomitantes : où commence la vie ? L'embryon, la personne souffrant de handicap ou dans le coma sans espoir de guérison sont-ils – encore, déjà – des personnes humaines à part entière ? Et si oui, alors existe t-il des circonstances qui autorisent à toucher à ces vies humaines ?
Publié dans le dossier de la Croix du Nord, le 5 juin 2009
Publié dans Cité, Lille | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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