01/09/2015
Les migrants rêvent de Private Drive.
Ce matin, je suis tombée sur ce super article de Fikmonskov. Je vous incite à en prendre connaissance avant de me lire.
Qu'est-ce que ça m'a rappelé comme souvenirs! Mon année dans un pays d'Afrique centrale, en 2006-2007... Je passais mes fins de semaine chez une pote qui n'avait pas l'eau courante. On allait aux toilettes dans la rue: une cabane en tôle et en bois avec un trou au milieu. Et ça puait. Mais il y avait la télé et presque tout le monde avait accès aux télés européennes. On glandait à trois ou quatre sur le lit devant des séries françaises débiles que je n'ai jamais plus revues depuis. C'est une des rares périodes de ma vie, et même l'unique, où j'ai regardé régulièrement France Télévision.
Et c'est en la regardant avec mes amis de là-bas (je ne fréquentais quasiment aucun européen) que je me suis rendu compte de l'image que nos télés* (notamment nos séries et nos films, dont l'homme contemporain, quelle que soit sa planète d'origine, fait une si grosse consommation), donnent de l'Europe. Si loin de la réalité.
Dans cette France d'une dimension parallèle, la majorité des gens est en couple avec deux enfants, deux voitures, deux salaires, deux coeurs, un petit pavillon de banlieue. Si nos problèmes sont existentiels, au moins nos rues sont propres. Il y a des peines d'amour et des crimes, des crises d'adolescence qui durent jusqu'à 40 piges, parfois des guerres mais ça c'était il y a des lustres, des universités, des tribunaux, de la drogue, des bandits, des flics et des instits, des stars et des héros, et des morts, toujours, parce que c'est la vie.
Mais on en revient toujours à Privet Drive. La banlieue tranquille, la voiture garée devant le garage, les massifs de bégonias de la Tante Pétunia, les assiettes qu'on laisse à moitié pleines en quittant la table. La rue qui fait bader les ados...** et rêver les migrants. Si loin des chiottes qui puent et du sol en terre battue. Tu m'étonnes, qu'on s'entasse à Calais.
Et le pire, c'est qu'il suffisait de tourner le bouton de la télé pour voir le paradis. Les chaînes de télé françaises étaient aussi accessibles qu'une place handicapé. Tout le monde piratait, c'était complètement entré dans les mœurs, on ne savait même plus que c'était illégal. Je n'ai pas eu l'impression que quiconque s'en inquiète.
Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était délibéré. Quelque part, quelqu'un laissait faire.
J'ai ouï-dire que ça n'a pas changé. Alors, à qui profite le crime ?
Sur ce je vous laisse, je viens d'installer un proxy pour regarder la BBC en déjeunant.
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* J'ai suivi une ou deux fois des jeunes du pays qui allaient faire de la prévention contre l'immigration clandestine au quartier. Ils ne critiquaient pas le fait de voyager : mais le fait de voyager n'importe comment et pour n'importe quelle raison. Ils interrogeaient beaucoup les jeunes sur leur vision de l'Europe. Et c'était toujours la même...
** Eh, on est le 1er septembre, t'as pas un train à prendre ? #BackToHogwarts
Publié dans Cité, Société | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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