19/07/2015
Tolkien donne le secret d'un mariage heureux
Ce texte est traduit de l'anglais. Vous en trouverez la version originelle sur ce site.
Je n'ai pas traduit la deuxième et plus longue citation de Tolkien, préférant reprendre la version française éditée chez Christian Bourgeois en 2013 ;-)
J.R.R. Tolkien était un romantique. Quand il rencontra sa future femme, Edith, à l'âge de 16 ans, ce fut un coup de foudre et il commença immédiatement à lui faire une cour informelle, l'invitant régulièrement dans les salons de thé locaux. Cependant, lorsque le prêtre qui lui servait de tuteur découvrit sa romance, il lui interdit de reprendre contact avec Edith avant 21 ans, pour qu'il se concentre sur ses études. Tolkien obéit à contrecœur. Pendant cinq longues années, il attendit celle qu'il savait être son âme sœur. Le soir de ces 21 ans, il écrivit une lettre à Edith, lui déclarant son amour et lui demandant sa main. Une semaine plus tard, ils étaient fiancés.
Tout au long de sa vie, Tolkien écrivit des poèmes pour sa femme, et il parlait d'elle avec enthousiasme quand il écrivait à ses amis. Mais l'hommage le plus célèbre et le plus durable qu'il eut pour sa femme bien-aimée fut peut-être de fondre leur roman d'amour dans la mythologie de la Terre du Milieu, au travers de l'histoire de Beren et Luthien. Difficile de trouver un hommage plus émouvant. Il écrivit à son fils Christopher :
"Je n'ai jamais appelé Edith Luthien - mais elle était la source de l'histoire qui, avec le temps, devint la pièce maîtresse du Silmarillion. Elle m'est venue au départ à Roos, dans le Yorkshire, dans une petite clairière au milieu des bois, entourée de pruches (Roos où j'étais pendant quelques temps en charge d'un avant-poste de la Garnison de Humber en 1917, et elle avait pu me rejoindre pendant quelques temps). A cette époque, ses cheveux étaient noirs comme du jais, sa peau claire, ses yeux plus brillants que tu ne les as jamais vu, et elle pouvait chanter - et danser."
Même dans la mort, Tolkien ne voulu pas quitter son Edith. Il est enterré à côté d'elle sous une unique pierre tombale, sur laquelle sont écrits les noms de Beren et Luthien. Pour reprendre l'expression populaire, Tolkien était très "amoureux" de sa femme.
L'amour réel fait mal
J.R.R. Tolkien a connu 55 ans de mariage heureux. A l'opposé, le taux de divorce à l'heure actuelle a atteint des sommets choquants, et certains abandonnent même le mariage monogamique, en assurant que ce n'est simplement ni possible ni sain. Qu'est-ce que Tolkien avait qui manque à tant de mariages ? Comment a-t-il pu réussir ? La réponse est simple : il avait compris que l'amour réel implique le renoncement de soi-même.
La notion moderne d'amour ne comprend que le seul sentiment, et se concentre en tout premier lieu sur le soi. Si quelqu'un vous attire, si il fait battre votre cœur plus vite, s'il confirme vos sentiments, alors vous pouvez dire que vous êtes amoureux, selon les critères de notre temps.
Bien que profondément attaché à sa femme, Tolkien rejetait cette idée superficielle de l'amour. Il faisait plutôt sienne l'intelligence catholique qui voit le véritable amour comme tourné vers l'autre d'abord - quelque chose qui exige de sacrifier ses instincts naturels et un acte de volonté déterminé.
Pour illustrer les vues profondes de Tolkien sur l'amour conjugal, je voudrais pour partager un extrait d'une lettre à son fils, Michael Tolkien. Elle dévoile un aspect différent de Tolkien, qui est assez peu connu de beaucoup. Pour ceux qui n'ont qu'une notion super émotive de l'amour, ses mots peuvent être choquant, voire agressifs. Pourtant, il énonce des vérités qui, une fois comprise et acceptée, peuvent apporter une joie véritable et durable au mariage. Voici une version abrégée de sa lettre.
"Il n'y a pas d'échappatoire"
Les hommes ne le sont pas [monogames]. Pas la peine de faire semblant. Les hommes ne le sont tout bonnement pas, du fait de leur nature animale. La monogamie (bien qu'elle ait longtemps été fondamentale dans notre héritage intellectuel) est pour nous les hommes un exemple d'éthique "révélée", en accord avec la foi, et non avec la chair. [...]
Cependant, un monde déchu est par essence un monde où l'on ne peut atteindre le meilleur par une libre jouissance ou par ce qu'on appelle "l'accomplissement de soi" (joli mot qui désigne en général l'autocomplaisance, tout à fait hostile à l'accomplissement des autres) mais par l'abnégation, la souffrance.
Un homme chrétien ne peut y échapper. Le mariage peut aider à sanctifier et à diriger le désir sexuel vers son objet propre ; sa grâce peut aider l'homme dans la lutte, mais la lutte n'en demeure pas moins. Le mariage ne le satisfera pas - comme la faim peut être éloignée par des repas réguliers. Il présentera autant d'obstacles pour parvenir à la pureté propre à cet état qu'il fournit d'aide.
Aucun homme, si sincèrement qu'il ait aimé sa fiancée ou sa jeune épouse au début, ne lui est resté fidèle, dans son esprit et son corps, au cours de leur mariage sans l'exercice délibéré et conscient de la volonté, sans abnégation. Trop peu d'hommes en sont informés, même ceux qui ont été élevés "dans la religion". Ceux qui ne l'ont pas été semblent rarement en avoir entendu parler. Quand la fascination s'use, ou simplement s'étiole un peu, ils pensent qu'ils ont commis une erreur, et qu'il leur faut encore trouver la véritable âme sœur. La véritable âme sœur se révèle trop souvent être la première personne sexuellement attirante qui passe. Quelqu'un qu'ils auraient en effet gagné à épouser si seulement... D'où le divorce, pour effacer le "si seulement".
Et bien-sûr ils ont en règle générale tout à fait raison : ils ont bien commis une erreur. Seul un homme très sage, à la fin de sa vie, serait en mesure de prononcer un jugement exact concernant la personne que, parmi toutes les possibilités, il aurait gagné à épouser ! Pratiquement tous les mariages, même ceux qui sont heureux, sont des erreurs - dans le sens où presque certainement (dans un monde plus parfait, ou même avec un peu plus de vigilance dans ce monde très imparfait) les deux partenaires auraient pu trouver des compagnons plus adéquats. Mais la véritable "âme sœur" est de fait celle avec laquelle vous êtes marié. [...]
Dans ce monde déchu, nous n'avons d'autres guides que la prudence, la sagesse (rare quand on est jeune, trop tardive quand on est vieux), un cœur pur, et la fidélité dans la volonté.
Lettres de J.R.R. Tolkien, p103-105
L'amour est une bataille
Comme je le disais, beaucoup de personnes pourraient se sentir offensé par la franchise de Tolkien sur le mariage. "Si tu aimes vraiment quelqu'un", ajouteraient-ils, "ça ne devrait pas être difficile de l'aimer ! Ca ne devrait pas être un combat. Le mariage, une mortification ? C'est insultant ! Vous ne deviez pas vraiment aimer votre femme".
Cette ligne de pensée est passé à côté de l'essentiel, car l'amour réel est un combat contre l'amour de soi. C'est une lutte contre notre nature déchue tellement égoïste. C'est une mort qui donne la vie. Et n'importe quel homme qui est honnête avec lui-même admettrait que Tolkien a raison. Le combat pour la chasteté et la fidélité ne finit jamais, quel que soit l'amour que avez pour votre femme.
La nature de l'amour c'est un acte de la volonté. Les sentiments vont et viennent dans le mariage. Ceux qui connaissent un mariage heureux sont ceux qui ont choisi - choisi d'aimer leur femme plus qu'eux-mêmes, qui ont choisi de sacrifier leur désir éphémère pour un bonheur durable, qui ont choisi de donner plutôt que de prendre.
Et vous savez quoi ? Quand vous choisissez d'être fidèle, le bonheur viendra inévitablement. Et pourtant beaucoup abandonnent au moment où les choses deviennent difficiles, au moment précis où, s'ils choisissaient tout simplement d'être fidèle et de se battre, ils trouveraient la vraie joie qui les attend au bout du tunnel. Comme l'écrivait G.K. Chesterton, un autre catholique heureux en mariage, "j'ai connu beaucoup de mariages heureux, mais aucun compatible. Tout le but du mariage est de combattre et de survivre au moment où l'incompatibilité devient incontestable. Parce que de toute façon, l'homme et la femme, en tant que tels, sont incompatibles."
La vraie joie et le bonheur durable dans le mariage sont possibles. Combien de mariage, y compris celui de Tolkien, l'ont prouvé ! Mais nous ne connaîtrons jamais cette joie si nous restons centrés sur nous-mêmes. Vous devez, paradoxalement, vous oublier vous-mêmes pour trouver le bonheur que vous cherchez.
Messieurs, si vous voulez un mariage heureux et fidèle, vous devez mourir à vous mêmes. Vous devez faire passer votre femme en premier. Vous devez l'aimer dans le sacrifice et le déni de soi - exactement comme le Christ a aimé son épouse l'Eglise. Voilà le secret très simple à côté duquel tellement de monde passe.
Publié dans Culture, Dieu, Société | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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