En passant devant une église hier soir...

Fête de la musique. Paris.

Le premier promoteur de la beauté, c'est Dieu. D'ailleurs, le premier mécène de l'Histoire, c'est Dieu. Il aime tellement la musique que certains en ont fait un musicien : pour C.S. Lewis, le monde de Narnia fut créé par le chant du lion Aslan, figure christiqe de la saga. Pour son compère J.R.R. Tolkien, c'est par la musique qu'Eru (l'Unique) créa le monde, Arda, avec l'appui du chant des Ainur (les anges). 

Satan peut utiliser la Création à ses fins mesquines. Mais il faut s'attendre à ce que Dieu, avec les petites mains qu'Il a sur terre, récupère la sauce à la façon qui est la Sienne et à laquelle on ne s'attend pas toujours.

Bingo.

Hier soir, saint Etienne du Mont. Une jolie scène devant l'église, normal quoi. Des musiciens qui se succèdent. La foule s'amasse, il y a du succès ; surtout que les terrasses des bars sont pleines à côté. Normal encore. Sauf qu'entre deux chansons (qui racontaient des trucs du style Dieu est amour, toussa, des vieux clichés koi), ils commencent à raconter comment ils se sont convertis.

Un peu moins normal.

Et puis tout autour de la place, il y a des jeunes qui vont de passants en passants, par groupe de deux, et discutent mine de rien, l'air de tout, le chapelet à la main : de la fête de la musique, du concert, de Dieu, "et en passant, vous êtes baptisés, vous ?"  de la veillée de prière qu'il y a dans l'église, du Christ qui t'attend, sur l'autel. Du prêtre qui te confessera peut-être, pour la première fois depuis longtemps...

Beaucoup moins normal. 

Un peu choquant, d'ailleurs, après être resté pendant des années sous le vent lâche du "levain dans la pâte", du "sel de la Terre", du "fermez votre gu**** et écrasez-vous" drapé dans les surplis d'un simulâcre de liberté religieuse, si outrageusement défigurée par le laïcisme, que c'en est du vol.

Revenons-en à St Etienne du Mont. Devant l'église, un immense tapis rouge, que le vent fait s'envoler malgré les renforts de gros scotch, invite les passants à rentrer. Il fascine, ce tapis. On se croit déjà à Cannes. Les enfants, en le voyant, tirent sur le bras de leurs parents : "le tapis, le tapis !" Sur le parvis ça se presse : le prêtre, avec son étole, en conversation avec des jeunes ; d'autres binomes de cathos qui discutent encore, proposent des bougies, expliquent le Saint Sacrement, la Présence Réelle...

C'est définitivement anormal !

La fête de la musique bat son plein maintenant dans Paris. Il est passé 22h30. La foule se jette de rues en rues, bière à la main dans des verres en plastique, en hurlant pour se faire entendre. Parfois c'est le Mordor qui gagne ; des gros boum-boum, de la lumière électrique, des hurlements sauvages d'orcs qui célèbrent la nuit. Parfois, un peu de beauté elfique sur cette planète : un homme et un piano, un musicien qui gratte sa guitare, en solitaire, des voix qui tombent du ciel alors que les premières étoiles s'allument derrière le plafond de nuage. Il commence à faire frisquet.

Mais devant l'église, c'est le silence qui soudain est venu s'installer : les cathos s'agenouillent, dix minutes, devant le Saint Sacrement exposé à la vue de tous ; des passants les imitent. Et tous se sont tus, les regards tournés vers l'église. Pas une âme ne viendra troubler ce havre de paix dans la ville en fête. L'instant dure dix minutes, un quart d'heure, une éternité. Le prêtre fait demi-tour, rentre dans l'église ; les jeunes cathos se relèvent et le suivent, les passants leur emboitent le pas. L'église se remplit. 

C'est terminé.

A la sortie, les témoignages et les remerciements affluaient. "Je n'avais pas prié comme ça depuis 40 ans", raconte un vieux. On vient leur parler de Dieu, et ils nous remercient ! Utiliser les armes de l'ennemi ? Non : reprendre à l'usurpateur celles qu'ils nous a volées !

Pour ceux que ça intéressent, les organisateurs de cette soirée vous donnent rendez-vous ici. Vous pouvez aussi faire la nique au Hellfest. Et puis il y a encore tant d'autres occasions...