23/04/2009
Blocage : Lille 3, entre brouillard du petit-déjeuner et flou artistique
Les étudiants de Lille 3, qui ont connu 3 blocages en 4 ans, montrent leur lassitude.
Il est 16 h, veille des vacances de printemps à Lille 3. Malgré le blocage, on y entre comme dans un moulin. Ca sent la fin. Une dizaine d’étudiants discutent encore de l’avenir du mouvement. Ce matin ils ont mis de l’ordre « de façon à éviter ce travail au personnel d’entretien. » Certains interprètent ce rangement de façon plus optimiste : « on reprendra les cours à la rentrée, comme d’habitude ! » En espérant ne pas réitérer «l’exploit» des universités qui ont revoté le blocage à la rentrée. Le président de l’Unef a prévenu : « les examens seront véritablement en danger si le mouvement continue au-delà des vacances ». Lille III, fac particulièrement frondeuse, n’était pourtant pas en pointe du mouvement cette année. Le blocage commence tardivement le 19 mars. De fait, l’heure est vraiment à la lassitude. « J’ai rêvé que les murs délabrés des amphis s’effondraient, et que les bloqueurs mourraient asphyxiés petit à petit...» peut-on lire sur Internet le 1er avril. « C’est une minorité qui bloque. Les autres restent chez eux. Les AG sont trop longues, je travaille ! » témoigne Pauline, 22 ans. Marco, 21 ans, a participé à deux blocages : « C’est le troisième en quatre ans. Sans parler d’un essoufflement, les étudiants en ont marre, les profs aussi...» Voilà, c’est dit, et de la bouche d’un bloqueur encore.
Examens dans le flou...
Blasés, les étudiants attendent les examens. L’administration communique au compte goutte envers la presse comme envers les étudiants. Elle annonce le contrôle terminal aux « dates prévues et reporte, en concertation avec les directeurs d’UFR et les présidents de jury, les évaluations du contrôle continu à la semaine du 18 au 23 mai ». Les professeurs fixent de leur côté les modalités de leur examen. Marco espère que « les examens porteront sur le programme étudié, comme on nous l’a assuré en conseil d’administration ». Pauline, qui en est à son troisième blocage, est sceptique. « Ils ne nous feront aucun cadeau, à nous de travailler à partir des cours mis en ligne, des bibliographies données en début de semestre...» Un enseignant, qui garde l’anonymat, témoigne avoir passé des jours à « taper des cours, des plans, des résumés, pour les étudiants. Où l’on voit que le blocage nous donne un surcroît de travail», conclut-il, amer. Un autre propose de faire cours dans un café. « J’ai emprunté des chaises à mon voisin et proposé à la classe de venir plutôt faire cours chez moi », indique Pauline. Solutions de secours que regrette une professeur d’histoire contemporaine : «une mise en ligne ne peut remplacer un cours ou un TD. Un enseignant attentif à son auditoire module sa parole en fonction de ce qu’il voit, de ce qu’il perçoit ; il suspend sa phrase, s’assure que tout le monde a bien compris, donne, si nécessaire, des explications complémentaires ». Un idéal que professeurs et étudiants n’ont pas toujours la joie de voir se réaliser dans des universités comme Lille 3.
Publié dans Cité, Lille | Commentaires (3) | Facebook | | | Isabelle
Commentaires
Moi-même j'ai combattu le blocage de ma fac, physiquement même, je dirais "par anticonformisme", il n'y a pas si longtemps. Mais le fait est que l'Education nationale et l'Université constituent une gigantesque arnaque et qu'on ne peut pas étudier sereinement dans ces conditions. L'arnaque c'est de vendre le truc comme un progrès social par les études, alors que l'Université n'est pour la majorité des 15-25 ans qu'une salle d'attente, l'antichambre du chômage, une soupape.
On voit d'ailleurs à quel point le systéme a transformé les étudiants en "larves assistées", parce que ceux qui se plaignent de ne pas pouvoir assister aux cours n'ont qu'à prendre les bouquins publiés par leurs profs et les étudier chez eux. Les meilleurs étudiants restent d'ailleurs ceux qui ont le moins besoin des profs, de poser leur cul sur un banc d'amphi pendant trois heures d'affilé. Les résultats aux exams ne seraient que meilleurs si les étudiants ne dépendaient pas autant des profs (on comprend que ceux-ci en revanche ont intérêt à ce qu'un tel système perdure).
Écrit par : Lapinos | 24/04/2009
"larves assistées", c'est peut-être dur à entendre. Ceci dit, le problème ne concerne sans doute que les licences. C'est ce que me disait une prof d'histoire récemment : à partir du master, tu travailles seul. Un blocage ? L'occasion d'étudier le terrain de son mémoire en profondeur. J'aurais bien profité d'un petit blocage moi l'an dernier par exemple !
Le résultat de cette arnaque - que les blocages contribuent à aggraver - c'est que les filières alternatives prennent de l'ampleur. Au détriment de traitements égalitaire. La solution passe par les grandes écoles, privées ou à financement mixte (comme les iep de provinces), les prépas (en cubant ou profitant des accords, possibilité d'intégrer un master en sortant de khâgne, c'est une alternative), ou la patience.
Ce qui m'a désolé à Lille 3, c'est de constater que ceux qui votaient le blocage (des premières années qui ne sont pas encore blasées de l'éternel phénomène, et pas encore conscientes que leur licence ne vaudra pas tripette) ne bloquaient pas - ils prenaient des vacances sans doute ? - et ceux qui protestent du blocage ne s'organisent pas du tout pour le contrer. Il n'y avait qu'une quinzaine de bloqueurs, et on parle d'attendre les vacances, ou d'appeler les CRS, alors que toutes les entrées ne sont même pas bloquées ! N'importe quoi...
Pfooouuu... finalement... "larves assistées"... peut-être bien, oui.
Écrit par : Isabelle | 24/04/2009
"A partir du master, tu commences à travailler seul." C'est-à-dire vingt ou vingt-et-un ans : c'est un peu hallucinant, non, de devoir attendre cet âge pour apprendre à travailler seul ?
C'est quand même le signe d'une très grande dépendance vis-à-vis de papa-maman, dépendance reportée sur les profs. Et les TD, en principe conçus pour aider les étudiants à travailler ne semblent que les avoir rendus encore plus irresponsables. A court terme vous avez raison, mais à long terme la logique est du côté de ceux qui bloquent les facs et posent la question : "Où mène le système s'il ne mène pas les lycéens et les étudiants en bateau ?".
De fait, ça tourne à l'avantage de ceux qui ont plus de pognon et de piston qui, en définitive, s'en sortent le mieux et que j'appelle "les bobos". Mais ce n'est qu'une conséquence malheureuse, et on ne soigne pas les causes à travers les conséquences.
Ce que je dis serait utopique si les courbes officieuse et officielle du chomage ne cessaient de s'élever depuis les années soixante-dix. Ce qui apparaît de plus en plus utopique, c'est la spécialisation des Occidentaux dans le domaine "tertiaire", et pas tant les manifs d'ouvriers et d'étudiants de Mai 68. On a pu développer le secteur tertiaire autant, et vivre largement au-dessus de nos moyens que parce qu'on avait contrôlé le secteur industriel "secondaire" auparavant. Maintenant que le secteur industriel est en passe d'être contrôlé par la concurrence, nos excédents et notre secteur tertiaire sont menacés.
Écrit par : Lapinos | 24/04/2009
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