25/01/2009
Crise à Mutations
Une crise était latente depuis plusieurs mois, et mettait aux prises le Directeur de Publication Haman Mana avec le reste de la direction
Un rapport d’audit a été effectué au début de l’année, au terme duquel de « nombreux manquements » ont été constatés ainsi que des « fautes de gestion ». Si le compte rendu de ce rapport n’a jamais été dévoilé, une rumeur s’est répandue selon laquelle Haman Mana aurait financé une partie de la construction de sa maison avec des fonds appartenant au journal Mutations.
Toujours est-il qu’une crise financière secouait durement Mutations quelques semaines avant mon stage, et de nombreux licenciements étaient à craindre. Les tensions se sont rapidement faites sentir à la rédaction, et en dénouement de la crise, Haman Mana a perdu la direction des journaux Situations et Les Cahiers de Mutations, conservant toutefois sa place à Mutations. Le conflit qui l’opposait à la SMC, société éditrice de Mutations, était cependant loin d’être résolu. J’ai en effet et dès mon arrivée pu constater que Haman Mana, bien que toujours Directeur de Publication, n’avait plus qu’un pouvoir très limité sur le journal. La véritable responsabilité se trouvait, semble t-il, exercée par le Rédacteur en Chef.
La crise :
Haman Mana a rédigé, autour de mi-juillet, un éditorial qui s’est trouvé censuré. Le conflit l’oppose dès lors à Protaïs Ayangma, principal actionnaire de la South Media Corporation et co-fondateur du journal, implicitement visé par l’éditorial censuré. Le lundi 16 juillet, après avoir quitté la conférence de rédaction, Haman Mana déménage son bureau (qui s’ouvre sur la salle où avait lieu la réunion) et s’en va, déclarant qu’il n’attend plus rien de cette équipe. Sept journalistes le suivent dans le même temps : ceux qui prenaient position en sa faveur les semaines passées. Le lendemain, un événement bouleverse le monde des médias à Yaoundé : deux parutions sortent, toutes deux nommées Mutations, possédant même logo, même construction. L’une est dirigée par le Directeur de Publication par intérim Alain Blaise Batongué (qui finira par obtenir le poste définitivement), l’autre par le Directeur de Publication Haman Mana, qui clame avoir effectué le dépôt de la demande d’enregistrement des marques Mutations et Situations à son propre nom. Cet enregistrement s’est effectué le 26 janvier 2007, soit peu de temps après le fameux rapport d’audit souvent incriminé pour expliquer l’affaire. Il est donc fort probable que Haman Mana avait anticipé longtemps avant, et l’éditorial censuré ne fournissait qu’un prétexte à son départ.
La véritable raison de cette scission m’échappe. Il est fort probable que de nombreuses personnes à Mutations ne soient pas exemptes de détournements, corruptions et autres malversations1. D’autre part, le rapport d’audit n’a jamais été rendu public.
Fin du conflit :
Durant les mois de juillet et août, la crise perdure, les tribunaux se révélant plus ou moins incompétents alors que les « deux Mutations » revendiquent chaque renvoi comme une victoire pour son propre camp. Les fondateurs de Mutations se trouvent ainsi déchirés, car si Haman Mana n’est pas à l’origine de l’idée du journal, il n’en a pas moins été le DP depuis dix ans, et a grandement contribué à insuffler une dynamique à l’équipe. Il était plus populaire que son second, Alain Blaise Batongué, alors Rédacteur en Chef, tant auprès des journalistes de l’entreprise qu’à l’extérieur.
Les journalistes du « Mutations Batongué » se voient interdire tout contact avec leur collègue du « Mutations Haman ». Un climat quelque peu délétère s’instaure, pendant que tout le monde, lecteurs et journalistes, s’amuse de voir les deux Mutations se côtoyer dans les kiosques. Je dois dire que, si cette histoire prenait un tour quelque peu ridicule, elle a été du pain béni pour les vendeurs de journaux et le nombre d’invendus en fin de journée était bien plus faible qu’auparavant !
Le règlement du conflit s’est opéré grâce à une médiation. La SMC a abandonné les poursuites engagées contre les journalistes de Mutations accusés "d’abandon de poste". Haman Mana a fondé un nouveau quotidien, Le Jour, dont la parution a été abondamment commentée. Ce nouveau né est d’ores et déjà considéré par de nombreux journalistes comme le quatrième grand quotidien de la presse privée au Cameroun.
Publié dans Cameroun, Far Away | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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