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24/01/2009

Deuxième partie : les Mutants

Si le journal utilise les stagiaires à son avantage, il faut reconnaître que tout est fait pour que nous profitions réellement de l’opportunité qui nous est donnée de faire un stage en journalisme. Les stagiaires vont donc fréquemment sur le terrain, seuls la plupart du temps. Pour ma part, j’ai été totalement lâchée dès le premier reportage ! Lorsque l’on nous demandait un article, nous avions la journée pour le réaliser, à moins qu’il ne s’agisse d’une enquête qui demandait plus de recherche, plus de profondeur. Les tâches affectées aux stagiaires comportent aussi la rédaction de brèves, la prise de photo pour le compte des rédacteurs, qu’on peut demander par exemple au moment de la mise en page. En dehors du terrain, les stagiaires restent habituellement au siège, où il finit toujours par se trouver quelqu’un pour demander un service ! Photo à prendre, renseignement à chercher sur Internet, document à porter à tel endroit de la ville…

La journée commençait entre 8h30 et 9h00, par une conférence de rédaction à laquelle nous participions les lundi et jeudi. Si nous n’avions pas déjà une tâche fixée la veille ou en cours, nous restions sur place jusqu’à se voir confier quelque chose. C’était aussi l’occasion de discuter entre stagiaires, où avec les journalistes qui ne s’étaient pas envolés sitôt la conférence achevée. Le beau temps nous trouvait souvent dehors, sur le parvis du bâtiment. Aux alentour de midi, des femmes s’installaient pour vendre de la nourriture : brochettes braisées, beignets, bananes, prunes cuites… Leur principale clientèle se composait des journalistes de Mutations. Il était rare de passer toute une journée au siège ; un stagiaire ne restait jamais longtemps oisif, et trouvait à s’occuper. Dans le cas où l’article demandé devait être prêt en soirée pour l’édition du lendemain, il fallait être rentré à 15 heures, ou 16 heures maximum, pour avoir le temps de rédiger, de se faire relire et de confier notre article à un journaliste qui puisse le proposer lors de la mise en page. La mise en page commence relativement tôt, en fin d’après midi, et finit tardivement, car il faut intégrer les articles de Douala. A Yaoundé, le bouclage de l’édition se fait autour de 21h30 ou 22 heures. C’était un moment intéressant, car il ne restait plus grand monde à la rédaction si ce n’est le REC principal, Alain Blaise Batongué, et deux ou trois journalistes travaillant dessus. Je suis restée assez fréquemment le soir à la rédaction. C’était un moment privilégié, lors duquel on pouvait apprendre les rumeurs avant même leur diffusion le lendemain matin ! Pendant la période précédent la crise, les fins d’après midi à Mutations pouvaient se révéler ainsi instructives pour comprendre ce qui se préparait.

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23/01/2009

Les articles

Dès le premier jour, mon chef de rubrique m’a demandé de proposer des articles concernant le secteur « éducation jeunesse ». Proposer et faire accepter un sujet est une des choses qui m’ont parues difficile dès le commencement, or la plupart des articles rédigés ont été de ma propre inspiration ! Le fait que je me trouvais dans un pays et dans un ville que je commençais à bien connaître aura été utile. Ayant travaillé précédemment sur le système scolaire au Cameroun, mes premiers articles ont par conséquent visés le domaine scolaire. J’avais aussi choisi ma rubrique en fonction des connaissances et des contacts que je possédais déjà. La question principale que je me posais avant de proposer un article était la question des contacts. Le premier sujet proposé concernait une école qui avait fermé en mars. La difficulté résidait dans le fait que la direction de l’école se faisait très discrète depuis la fermeture, et si les parents étaient prompts à raconter leurs turpitudes, il a été très difficile de réussir à "coincer" un des responsables de l’école ! J’ai compris à ce moment l’importance de connaître des sources d’information avant même de se lancer dans une enquête. La plupart des autres sujets sur lesquels j’ai travaillé m’ont posé peu de difficultés : la fin d’année au Collège Vogt (où j’étais logée), le centenaire du scoutisme (j’avais pris contact dès mon arrivée avec les groupes scouts du Cameroun), ou encore les étudiants en partance pour l’étranger, sujet plus difficile à aborder que je ne le pensais, la plupart de mes contacts se situant au Consulat Général de France ou au Centre Culturel Français… je n’avais pas de relations au sein des autres missions !

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22/01/2009

Le terrain

60% de mon stage se déroulait sur le terrain. Ce terrain était parfois difficile d’accès, en raison de mon origine visiblement européenne qui déclenchait la méfiance des populations, au premier abord en tout cas. J’ai d’autre part été envoyée à deux reprises dans des quartiers que l’on me déconseillait fort de visiter lorsque j’étais à l’ambassade de France ! Ce sont pourtant ces descentes sur le terrain qui ont été le plus profitables.

On m’a par exemple demandé un article sur les conducteurs de motos taxis à Yaoundé, appelés ben-skin. Les motos taxis sont le premier moyen de circuler dans de nombreux quartiers, ne disposant pas de routes goudronnées. Bien sûr, les adeptes du ben-skin circulent dans toute la ville grâce à ce moyen de transport pratique et rapide, en particulier aux heures de pointe. Les conducteurs, les « benskinneurs », vivent souvent de ce métier. Une directive de la Communauté Urbaine de Yaoundé demandait que l’accès du centre ville soit interdit aux ben-skins et imposait aussi des uniformes, immatriculations pour apporter à ce métier une régulation qui manquait. J’ai donc essayé de savoir comment les benskinneurs percevaient ces nouvelles mesures. Je savais pouvoir en rencontrer à l’entrée des quartiers populaires, et je me suis donc dirigée vers le quartier Obili, que je connaissais un peu. Les aborder ne posait pas de véritable problème : les benskinneurs sont en général prompts à draguer la blanche, pour dire les choses crûment. Plus difficile était de se faire prendre au sérieux. A ma surprise, dès que j’ai commencé à évoquer le sujet, ils sont devenus intarissables. J’ai eu du mal à déterminer si leur colère, qui se propageait à tout le quartier au fur et à mesure que la discussion avançait, les passants prenant eux aussi parti, n’était pas exagérée. En effet je me suis trouvée interpellée dès l’origine, non en tant que journaliste mais en tant qu’européenne. "Il faut que vous sachiez en Europe ce que nous on souffre de ce gouvernement !"; " Tout ça c’est la corruption, la mauvaise gouvernance ! Il faut que la France, les Etats-Unis et tout, vous interveniez !". Lorsque j’ai rapporté mon article, il n’a pas été censuré ni "corrigé", mais les personnes à qui je l’avais fait relire, un ami qui traînait à la rédaction au moment de sa rédaction et la journaliste pour le compte de qui je l’avais réalisé m’ont plusieurs fois demandé si je n’avais pas exagéré. De fait, suite à l’application de ces mesures, les benskinneurs ont violemment manifesté courant septembre à Yaoundé. Une autre enquête que j’anticipais avec inquiétude concernait le quartier de la Casse à Yaoundé : il s’agit de l’endroit où les voitures hors d’usage sont récupérées, démontées et recyclée. J’ai investi le quartier de Mvog-Ada, un des plus populaires de la ville. Les ateliers jouxtent les étalages et les cours des ferrailleurs. Depuis mon enquête sur les benskineurs, et sur les conseils d’amis journalistes, j’avais développé une stratégie qui consistait à me rendre vers la première personne venue, lui expliquer l’objet de ma visite, lui proposer une bière en discutant dans le cas où il serait du quartier et disposerait de son temps. Quel que soit l’endroit de la ville où je me trouvais, il y avait toujours une terrasse non loin. Cette personne me servait ensuite de guide et d’intermédiaire dans le quartier. A Mvog-Ada, un guide, intermédiaire et même interprète était nécessaire pour se retrouver dans la multitude des boutiques, dont certaines n’étaient accessibles que grâce aux raccourcis1. Cette fois, plus de drague ni de colère, mais certains conditionnaient leur réponse à l’argent, et voulaient négocier pour donner des renseignements !

Curieusement, le terrain qui a été le plus difficile d’aborder était celui dans lequel je me sentais le plus à l’aise et que je connaissais le mieux. J’ai proposé courant juillet au Rédacteur en Chef une enquête sur les étudiants camerounais en partance pour l’étranger. J’avais déjà de nombreux contacts au Consulat de France et au Centre pour les Etudes en France2. Se renseigner sur les modalités des départs à l’étranger, les inscriptions dans les facs, ou sur les tendances actuelles des étudiants était relativement aisé, par le biais d’Internet puis grâce à un chercheur qui étudiait les destinations favorites des étudiants camerounais. C’est le recueil de témoignage qui a été le plus difficile. Les étudiants refusaient de voir leur nom apparaître dans l’article, quand ils acceptaient de me parler ! Il est vrai qu’une blanche, française de surcroît, venant interroger les étudiants sur les bancs des salles d’attente de consulat avait de quoi éveiller les soupçons… sait-on jamais ! Etre étrangère me permettait de recueillir plus facilement les confidences des camerounais sur les affaires internes du pays. Au contraire, dès lors que le sujet touchait à la France, ou par extension à l’Europe, je n’étais plus considérée comme personnage neutre et un climat de méfiance s’instaurait.

Le terrain le plus simple à aborder a été celui du scoutisme. J’avais proposé à mon chef de rubrique, Jean Baptiste Ketchateng, un reportage sur le centenaire du scoutisme. Sur les conseils d’un ami, j’ai suggéré une pleine page commentant l’évènement, ce qui a été accepté par le REC A-B. Batongué. J’ai ainsi pu suivre quelques jours d’un camp, et faire jouer les contacts que j’avais déjà noués tout au long de l’année. Toutes les personnes interrogées étaient, de plus, ravies de cet article : le scoutisme camerounais est en perpétuelle quête de légitimité, tant au niveau mondial (les Scouts du Cameroun s’enorgueillissent d’être officiellement reconnus par le Bureau Mondial du Scoutisme situé à Londres) qu’au niveau national. Ils tenaient à médiatiser cet évènement dûment fêté : pendant l’année, les Scouts ont organisé Grands Camps et sorties en ville, ils ont défilé lors de la fête de la Jeunesse, et une délégation camerounaise était officiellement invitée au grand jamboree de Londres cet été. J’ai eu quelques remords à relater par le détail le récit du camp de la troupe de la Retraite, dans laquelle se trouvait par hasard la fille de l’ancien DP Haman Mana… Bien sur, la maîtrise avait pris position pour lui lors de la crise qui ne datait au moment de mon enquête que d’une semaine ! Ils n'ont pas caché qu'ils auraient préféré voir cet article publié dans le « Mutations Haman Mana ».

1 Un raccourci est un passage étroit et boueux par temps de pluie entre deux maisons. Certaines maisons ne sont accessibles que par ce moyen, et il existe des quartiers entiers, plus ou moins constitués de bidonvilles, qui ne sont constitués que de raccourcis.

2 Le CEF, maintenant « Réseau Campus France » délivre un avis académique sur la motivation et les chances de réussir de l’étudiant. Cet avis est pris en compte par le Consulat pour l’obtention du visa. Dans les faits, le CEF joue aussi un rôle important d’orientation.

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21/01/2009

Rédiger

La rédaction posait beaucoup moins de soucis que le travail sur le terrain, mais je me heurtais toujours à un problème de longueur : j’écrivais trop. Un article mineur demande 2000 caractères. Un article plus détaillé, avec photo, en demande 3000 ou 3500. La pleine page concernant le scoutisme fait en tout 10 000 caractères ; j’en avais écris 12 000, un des articles, qui concernait l’histoire du scoutisme au Cameroun, a dû sauter.

Le seul article pour lequel la rédaction a vraiment posé problème était dédié à la page sport. Les stagiaires sont mis à la disposition du journal pendant le week-end ; mais il s’est trouvé un jeudi soir que j’étais seule pour prendre les consignes ! Le stagiaire affecté à la rubrique Sport n’étant pas là, c’est à moi qu’on a confié de suivre un match de rugby le surlendemain. Il faut avouer que je suis une totale néophyte en matière de rugby. "Tu n’as qu’à te débrouiller, on s’arrangera dimanche", et me voilà dans les tribunes à suivre le match mettant au prise le Cameroun et le Kenya. J’ai passé une heure et demie à noter le détail des commentaires, les avancées du jeu minute par minute, avant d’interroger quelques joueurs à l’issue de la rencontre. Le lendemain, le compte rendu du match que j’ai rapporté a suscité quelques sourires, mais finalement, seul le premier paragraphe sera modifié. D’autre part, cet article me vaudra d’être plusieurs fois interpellée aux alentours du journal, la page sport étant visiblement très lue !

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20/01/2009

Conclusions

Je dois avouer que ce stage, pour passionnant qu’il fut, n’a pas toujours été de tout repos. Cherchant sans cesse à approfondir mes enquêtes, je devais me faire violence pour décider d’apporter des articles qui me semblaient – parfois à tort – inachevés.

Ce stage a pourtant été la source de perpétuelles découvertes, notamment grâce à la politique suivie par le journal qui est d’envoyer les stagiaires au maximum sur le terrain, leur faisant étudier des sujets parfois à cent lieues de leurs préoccupations (j’ai ainsi bénéficié d’une formation accélérée dans les règles du rugby, et pu explorer le labyrinthe de la mairie de Yaoundé à plusieurs reprises). Mes collègues n’étant pas avares de conseils, je pense avoir véritablement eu l’occasion de me former durant ce stage.

J’ai apprécié en particulier l’ambiance et l’esprit d’entraide que l’on percevait dans les groupes de journalistes que je fréquentais, et regretté que cette ambiance soit moins perceptible à Mutations. Un climat un peu tendu, ce qui est aisément compréhensible au vu du contexte, contexte qui m’aura pourtant donné l’occasion de comprendre certains des rouages du quotidien. La concurrence exacerbée entre les deux tendances ne touchait pas les stagiaires, observateurs neutres.

Je me suis bien entendue avec le Rédacteur en Chef principal puis Directeur de Publication Alain Blaise Batongué, mon tuteur de stage au journal, qui a pris sur son temps malgré ses préoccupations, à l'époque nombreuses. Il s’avère pourtant que je me sentais plus proche personnellement des journalistes qui quittèrent la parution de la SMC pour suivre Haman Mana. J’ai un profond respect pour ce dernier, appréciant tant sa façon d’écrire que sa vision du journalisme au Cameroun.

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