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20/12/2013

La Désolation de Smaug

"What have we done ?" - "Qu'avons-nous fait ?"

Ah ben oui, réveiller un dragon de sa sieste pour le lâcher sur des maisons de bois, c'est un peu une boulette. "Draco dormiens nunquam titillandus" comme ils disent à Poudlard. Et c'est de bon augure ! Il n'y a pas à dire, Peter Jackson maîtrise, au tournant du Hobbit, un supsens qu'il avait naguère zappé dans le Seigneur des Anneaux, en sabotant l'émerveillement d'une Eowyn tuant le nazgùl et l'angoisse d'un Aragorn face à la Porte Noire du Mordor.

 Jackson apprendrait-il de ses erreurs ?

Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'une bonne adaptation cinématographique se mesure au respect intégral du livre. On ne réalise pas un film comme on écrit un livre. Ce qui fait que dans l'ensemble, la Désolation de Smaug est un bon film, allez le voir.

Erreur sur la personne ?

Car en sortant, vous pourriez être tenté de faire les critiques suivantes :

Thorin_portrait_w858.jpg- "Thorin est méchant". Bah ouais. Relisez le livre. Thorin a l'air de faire partie des bons, mais il n'est pas cool. Il est aveuglé par sa soif de l'or au point de perdre tout bon sens. Et vous n'avez pas encore tout vu : "je vais vous précipiter sur les rochers", dira-t-il à Bilbo avant de traiter Gandalf de "descendant de rat". Pas manichéiste pour deux sous, le Professeur ne prend pas les enfants pour des cons.

tumblr_static_the-hobbit-bilbo-baggins.jpg- "C'est tout le temps Bilbo qui les sort d'affaire". Là aussi, relisez le bouquin. Bien mal considéré au départ, c'est pourtant bien lui qui délivre ces pécores de nains des araignées, puis des geôles du Roi elfe, qui garde la tête froide quand il s'agit de trouver la serrure de la porte cachée, c'est toujours lui qui fait preuve d'un sacré sang froid face au dragon et l'histoire n'est pas finie ! Le courage des hobbits...

King_Thranduil_portrait_-_EmpireMag.jpg- "Le Roi Elfe est flippant". Ah ça, ils ont un côté inquiétant dans le bouquin, ces elfes qui "prirent toujours davantage goût au crépuscule et à l'obscurité". C'est sans doute une question de point de vue ; mais à 13 ans, lors de ma première lecture, je les ne les avais guère aimé avec leurs chasses, leurs couronnes de fleurs, leurs portes magiques et leurs étoiles. Surtout que leur sens de la convivialité est très très limité. PJ lui rajoute un peu de profondeur : Thranduil "Double Face" a visiblement un passif douloureux avec les dragons. A vous de voir...

 Hobbit-Beorn.jpg- "Beorn est dangereux". Lui aussi il fait flipper. Il se peut qu'il ne vous ai pas inquiété dans le livre. Là encore, c'est une question de point de vue ; il est dans le bon camp, mais il est certainement dangereux et imprévisible. De l'inquiétude latente dans le livre, on passe à un flip total dans le film.

Sur la notion de danger pour Tolkien, se référer à la réplique suivante de Gandalf à Gimli dans Les Deux Tours : "Dangereux! s'écria Gandalf. Et moi aussi je le suis, très dangereux même : plus dangereux que tout ce que vous rencontrerez jamais, à moins que vous ne soyez amené vivant devant le Seigneur Ténébreux. Et Aragorn est dangereux, et Legolas est dangereux. Vous êtes entouré de dangers, Gimli fils de Gloin ; car vous êtes dangereux vous-même, à votre propre manière."

Les gros sabots de Peter

PJ y va avec ses gros sabots pour nous présenter un Thorin méchant, un Bilbo téméraire, un Thranduil et un Beorn effrayant. Mais si on ne les avait pas vus dans le livre, c'est qu'on a mal lu et qu'il serait peut-être bon de s'y replonger. La mention "livre d'enfant" nous met parfois des œillères; PJ pour une fois ne s'est pas planté sur l'interprétation ; il a simplement totalement manqué de finesse. C'est qu'il y a du kilomètre, entre la vieille Angleterre et la Nouvelle-Zélande.

Le film ne manque cependant pas d'humour et de rebondissement (quelques longueurs à signaler) ; l'image est à couper le souffle, les araignées sont telles qu'on se les figurait et arrivent à parler sans que cela ne soit ridicule. On nous épargne cette fois, Dieu merci, les lapins de traineaux (mais pas le nid sous le chapeau). L'Arkenstone trouve une place tout à fait intéressante et Smaug est vraiment le Magnifique et La Plus Grande Des Calamités. Même Legolas est plus viril. C'est d'ailleurs une véritable machine à tuer, comme quoi survivre à son propre ridicule rend décidément invincible.

J'ai retrouvé la magie du livre, qui m'avait enchanté en me faisant perdre tout repère. C'est la grande richesse de la bonne fantasy, de nous détacher du contingent pour que nous soyons libre, enfin, de prendre la mesure du combat spirituel, la seule chose qui compte vraiment et ne change jamais.

Conformisme, fric et morale

Le film ne cède pas - une fois n'est pas coutume - aux hydres du politiquement correct en nous présentant l'habituel faire-valoir de la société moderne (une lesbienne black aurait fait l'affaire). En l'occurrence il ne s'agit pas de faire la morale au public. Bien. Contentons-nous déjà de faire le maximum de fric, ce ne sera déjà pas si mal. Et un univers uni-sexe sans amourette pouvait-il assurer les entrées que le rabâchage médiatique promettait ? 

QUI irait en effet voir un film de fantasy sans la femme libérée et sexy de service (genre Arwen en Cat Woman) qui se bat comme un homme pour laver le film de tout soupçon de sexisme ?

QUI irait voir un film de fantasy sans amours impossibles entre une guerrière et son capitaine, faisant rêver toutes les midinettes qui commençaient à trouver Legobloom has been ?

QUI se passerait de romance entre une elfe et un nain réconciliant les antagonistes de Naheulbeuk autour d'une bonne tisane d'Athelas ?

Allez, faisons plus fort : un triangle amoureux conciliant les trois. Et puis de préférence avec une meuf trop bonne et des bogoss trop stylés, pour faire venir les frères des legolettes* (Legolaaaaaas!!!)

C'est moderne (moderne=bien) et ça déplace les foules (fric=mieux)**.

Ce qui fait que dans l'ensemble, la Désolation de Jackson Smaug aurait pu s'affranchir de quelques codes et gagner en qualité. Et en respect de l'écrivain. Voilà qui aurait été audacieux.

Comme disait un gars sur un forum, en pénitence, vous me direz un Peter et trois Navets.

The-Desolation-of-Smaug-Tauriel-and-Legolas.jpg Kili.jpg
Legolas, Tauriel et le nain Kili : le triangle amoureux. On ne dira pas dans quel sens.

* Legolette : jeune fan hystérique de Legolas
** Sarcastique ? Moi ?

Publié dans Culture | Commentaires (2) |  Facebook | | | Isabelle

Commentaires

Merci pour cette critique pleine d'humour, il faudra que j'aille le voir !

qu'on se les figuraient -> figurait

camalités -> calamités

:)

++

Écrit par : Peter Potrowl | 23/12/2013

Merci Peter ! :)

Écrit par : Bab L. | 23/12/2013

Les commentaires sont fermés.