01/07/2013
Veiller avec les Hobbits - Livre IV (11/20)
En passant par les ombres
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Frodon et Sam trouvent un guide qui les mènera vers le Mordor ; Gollum, perverti par l'anneau dont il a eu longtemps la possession. Celui-ci parvient à les mener jusqu'aux portes du Mordor.
Enfin, le cinquième matin depuis qu'ils avaient pris la route avec Gollum, ils s'arrêtèrent une fois de plus. Devant eux, noires dans l'aube, les grandes montagnes rejoignaient des voûtes de fumée et de nuages. De leur pied s’élançaient d’énormes contreforts et des collines anfractueuses, dont les plus proches se trouvaient à présent à une douzaine de milles au plus. Frodon jeta alentour un regard horrifié. Tout affreux qu'avaient été les Marais des Morts et les landes arides, bien plus repoussant encore était le pays que le jour rampant dévoilait à ses yeux contractés. Même à l’Étang des Visages Morts paraissait un certain spectre de printemps vert ; mais ici ni printemps ni été ne viendraient jamais plus. Ici, rien ne vivait, pas même les végétations lépreuses qui se nourrissent de pourriture. Les mares haletantes étaient suffoquées par la cendre et les boues rampantes, d'un blanc et d'un gris morbides, comme si les montagnes avaient vomi les immondices de leurs entrailles sur les terres environnantes. De hauts monticules de roc écrasé et pulvérisé, de grands cônes de terre calcinée et souillée de poison se dressaient comme dans un répugnant cimetière en rangées sans fin, lentement révélées dans la lumière avare.
Ils étaient parvenus à la désolation qui s’étendait devant le Mordor : monument permanent au sombre travail de ses esclaves, qui durerait encore quand tous leurs desseins seraient vides de leur substance ; une terre polluée, atteinte au-delà de toute possibilité de guérison – à moins que la Grande Mer ne la vint laver dans l'oubli. « J'ai le cœur barbouillé », dit Sam. Frodon ne dit rien.
Ils se tinrent là un moment, tels des hommes au bord d'un sommeil où le cauchemar les guette, s’efforçant de l’écarter tout en sachant qu'ils ne pourront arriver au matin qu'en passant par les ombres. La lumière crut et s'affirma. Les trous étouffés et les monticules empoisonnés prirent une hideuse netteté. Le soleil était levé et cheminait parmi les nuages et de longues traînées de fumée, mais même sa lumière était souillée. Les Hobbits l'accueillirent sans enthousiasme; elle leur paraissait hostile, les révélant dans toute leur impuissance - petits spectres vagissants qui erraient parmi les tas de cendres du Seigneur Ténébreux.
Livre IV, chapitre II, p 679
Peut-être, au cours de nos veilles, seront nous amenés à regarder en face le pire, ce que nous voulons vaincre : la violence, la haine, une vision de l'homme coupé de lui-même. Dans toute vie il y a des moments de fatigue, des moments où le mal paraît si grand et si pesant que nous perdons espoir. Le désespoir est notre premier ennemi, et l'espérance est notre seule chance. Le propre de la nuit est qu'on ne peut l'éviter si l'on veut arriver au matin.
Publié dans Cité, Culture | Commentaires (0) | Facebook | | | Isabelle
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