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05/12/2010

Une rencontre au Liban

chemin cèdres.jpgIl est fréquent de croiser des compatriotes français au pays du Cèdre. De temps en temps, une rencontre peut marquer plus qu'une autre. C'était en septembre dernier, à Deir Mar Elicha (le Monastère de Saint Elisée) dans la Kadisha. Quelques pierres oranges accrochées, comme agrippées, à la muraille de cette vallée encaissée. Et plus bas, le bruit de l'eau qui coule, la rivière Kadisha (sainte) qui a creusé la vallée avant de lui donner son nom. Au printemps, tout dégouline. Mais nous étions en été, encore tôt le matin. Quelques pèlerins passaient déjà de salle en salle, se recueillant sur les pas des anciens moines. Dans la chapelle on disait la Messe. Nous faisions attention à ne pas faire résonner trop bruyamment nos godillots sur les dalles de pierre, pour ne pas déranger ceux qui priaient. Il ne faisait pas encore trop chaud. Je pensais à ces moines maronites, ermites austères, dans leur vallée reculée, affrontant les neiges de l'hiver et les chaleurs de l'été, se cachant des ottomans qui toléraient à peine cette petite Eglise, accrochée à sa montagne comme le monastère. Comme elle était loin, la France laïque et moderne ! Comme ils étaient différents, les chrétiens du Liban, ces maronites fiers et persévérants. Un cèdre peut vivre des milliers d'années, quand il grandit là où il est né. Et semblables à nuls autres étaient les moines qui se succédaient dans cette vallée...

Et puis soudain, au détour du couloir, un regard familier, comme amical. Quelqu'un qui nous relie à notre lointaine patrie, qui réconcilie soudain passé et présent dans le même sourire fraternel. Un nom bien français, qui résonne comme une douce musique à nos oreilles. Il s'appelle François Galaup de Chasteuil. Né à Aix-en-Provence, "issu" de la vieille noblesse, diraient les sociologues. Un goût marqué pour les sciences : le moine parle hébreu, il travaille la Bible. Un exégète, dirait-on. Il a d'ailleurs eu la chance, au cours de sa vie, de discuter avec les plus grands rabbins. Mais ça, c'était avant de se retirer du monde, dans ce monastère accroché à la muraille de pierre...

Il est des rencontres qui marquent ; celle-ci en est une. Peut-être parce qu'elle en cache une autre... Quel étrange appel a entendu cet homme, pour quitter sa famille, renoncer aux honneurs du titre et des sciences, puisqu'il possédait les deux ? Pourquoi si loin, dans cette vallée libanaise maronite, lui qui était français de rite latin ? Fascinant destin de l'homme, qui peut prendre une route inattendue aux yeux du monde, pour la plus grande gloire de Dieu !

C'est ainsi qu'au détour du chemin, nous nous sommes croisés, dans ce monastère maronite. Moi, l'étudiante française du 21ème, randonnant dans la Kadisha au hasard d'un stage, et lui, le chevalier français du XVIIe, moine du monastère Saint Elisée au Liban, décédé une nuit de Pentecôte le 15 mai 1644. Un compatriote alors ? Non, mieux que ça : un frère dans la Foi, un frère qui a balisé une étape avant de se rendre au rendez-vous qui l'attendait.

Et qui nous attend tous...

 

monastery_of_mar_elisha_qadisha_valley_lebanon_photo_gov.jpg

Ci-dessous, la traduction d'une biographie rédigée dans Le Grand Dictionnaire Historique ou le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane (T3), de Louis Moreri et Jean Le Clerc (1731)

 

 

Galaup de Chasteuil (François), né à Aix en Provence, le 19 août de l'an 1588, était fils de Louis de Galaup, et de Françoise Cadenet de Lumanon. Il témoigna dès son enfance l'inclination qu'il avait pour la piété et pour les lettres, et fit de grands progrès dans l'une et dans les autres. Il s'avança beaucoup dans la philosophie et dans la jurisprudence, et fut reçu docteur en droit. Il se perfectionna dans la langue hébraïque et joignit à cette étude celle des mathématiques et de l'astrologie, pour laquelle il eut beaucoup de passion durant quelques temps; mais Dieu lui fit la grâce de lui faire connaître la vanité des sciences humaines, et de l'en détacher, pour l'appliquer à l'intelligence de l'écriture sainte, particulièrement selon le sens littéral. Il s'y appliqua avec une assiduité surprenante. Quelques temps après il se retira à la campagne avec Nicolas-Claude Fabri de Peiresc son ami, et il y fit de très doctes observations sur le pentateuque samaritain, que le P. Théophile Minuti, religieux Minime, avait apporté du Levant. On envoya ses observations avec le texte samaritain à Gabriel Sionite, pour les insérer dans la Bible qu'on imprimait à Paris de l'impression royale du Louvre ; mais comme les livres de Moïse étaient déjà imprimés, on ne put pas s'en servir alors. Cependant l'étude de l'Ecriture détacha si parfaitement M. de Chasteuil du siècle, et même de ses parents, qu'il résolut d'aller mener une vie solitaire et pénitente sur le Mont-Liban. Il partit en 1631, avec M. de Marcheville, qui allait en ambassade à Constantinople ; et après avoir vu les plus savants rabbins, et les gens de lettres qui se trouvèrent alors dans cette ville, il alla à Saïde, et de là au Mont-Liban. Il y eut d'abord quelques conférences avec l'Archevêque de Héden, puis avec le Patriarche des Maronites, qui approuvèrent tous deux le dessein qu'il avait de renoncer à toutes les choses du siècle, pour se consacrer au service de Dieu. Quelques temps après, il se mit sous la direction du Père Elie, religieux de S. Antoine et alors curé de Héden ; et se dépouillant généralement de toutes choses, il commença de mener une vie austère et très pénitente. Les courses des Turcs troublèrent souvent le repos de sa solitude, durant les guerres contre l'Emir Feckder-eddin ; mais son mérite faisait impression sur l'esprit même des barbares. Il était si parfaitement connu de tous les maronites, qu'après la mort de leur patriarche George Amira, ils le prièrent d'accepter cette dignité. Il refusa cet honneur, et se retira à Mar-Elicha, dans un monastère de Carmes Déchaussez, où il redoubla ses austérités. Elles lui causèrent une maladie, dont il mourut la nuit de la fête de la Pentecôte, le 15 mai de l'an 1644. Les Maronites témoignèrent une douleur extrême de cette mort, et accoururent de toutes parts, pour rendre les derniers honneurs à son corps. Ce grand homme avait composé sur la Bible quelques ouvrages, qui restèrent avec ses autres livres entre les mains des Carmes Déchaussez. On mit sur son tombeau divers éloges en toute sorte de langues.

Publié dans Dieu, Far Away | Commentaires (1) |  Facebook | | | Isabelle

Commentaires

Merci pour ce beau blog ouvert aux lumières de l'Orient et de la foi.

Écrit par : Un voyageur passé par le Liban | 10/12/2011

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