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02/07/2010

Claire et Léon Dubois, honorés comme Justes parmi les Nations

P1000373.JPGCes fermiers du Béarn ont sauvé un enfant juif originaire de Lille pendant l’Occupation

« Tout Cracovie est là », répète une vieille dame, en saluant à la ronde.
Sous les tentes blanches du parvis des Justes à Lille (rue de Béthune) qui résistent au soleil, les plus âgés s’assoient, les enfants sur les genoux. Un rabbin, des garçons qui portent la kippa, des jeunes... A 11 h 15, la tente ne sufit plus à contenir ces gens. Ils viennent assister à une remise de la médaille des Justes parmi les Nations.
Claire et Léon Dubois étaient de tranquilles fermiers du Béarn, en 1943. Une femme monte du village avec un enfant : c’est Léo Mohr, il a dix ans. Ils ont fui Lille au début de l’Occupation, et viennent d’achapper à une nouvelle rafle à Gan. Pas de radio, pas de télévision. Les nouvelles avancent à vitesse d’homme. Les fermiers, horrifiés, accueillent Léo comme leur fils. Il passera là deux ans de bonheur, à garder les vaches et faire les 400 coups avec les trois cadets de Claire et Léon. Les trois aînés sont prisonniers en Allemagne. Après la guerre, Léo rentre à Lille, « sans avoir réussi à leur apprendre le P’tit Quinquin ! » Claire est décédée en 1986, Léon quelques mois plus tard. Ce sont leurs trois derniers qui ont reçu en leur nom, des mains de Shmuel Ravel, ministre plénipotentiaire près l’ambassade d’Israël à Paris, le titre de Justes Parmi les Nations.

Leur rendre hommage

Ce titre est la « plus haute distinction civile décernée par Israël », rappelait Léo, qui revoyait pour la première fois depuis longtemps ses camarades d'enfance. Le titre de Justes, décerné par le comité Yad Vashem, présidé par un juge de la Cour Suprême d'Israël, a été remis jusqu'à présent à 3158 français. Reconnaissance des services rendus aux juifs pendant l’Occupation, au péril de leur vie, gratuitement. « Ils ont sauvé l’honneur de leur pays, la France », soulignait gravement Shmuel Ravel. « Les trois quart des juifs français ont pu survivre grâce à des personnes qui la plupart du temps ne se sont jamais fait connaître ». Dans ce cas, Léo Mohr a lui-même saisi le comité local. « On ne bâtit rien dans l’oubli et le mensonge », rappelait encore Shmuel Ravel, « quiconque sauve une âme sauve l’univers tout entier », a t-il ajouté en citant le Talmud. Alfred, compagnon de jeu de Léo, et les petites filles de Léo se sont succédé pour rappeler le passé et renouveler les remerciements. L’ambiance est à la nostalgie : en entendant l’hymne béarnais et une comptine en Yiddish, joués par la petite fille de Léo Mohr, nombreux ne cachaient pas leurs larmes, y compris parmi les jeunes assistants : « le peuple juif n’oublie pas ».

p8_temoin_justes.JPGLéa, rappelle l’arrivée de son grand-père à la ferme, en 1943
« Ils en avaient déjà élevé six... »
Deux miliciens les surprennent, encore au lit, menacent de revenir leur mettre les menottes. Ils partent chercher le camion ! Les quelques minutes de répit suffisent, Léo et sa mère gagnent les champs... Pour Mirassou, une ferme où ils achetaient du lait et des oeufs. Il y avait le vieux grand-père Candegabe, sa fille Claire et son mari Léon Dubois. Trois enfants : Juliette, Alfred et Irène. Les aînés sont prisonniers en Allemagne. Avant de se séparer les deux femmes échangent quelques mots, simples, courts : si je ne revenais pas... dit la mère de Léo et elle veut glisser dans la main de Claire un sac de velours noir qui contenait quelques bijoux. Claire l’écarte, sourit et répond : « j’en ai déjà élevé six... »

Publié dans Croix du Nord le 2 juillet 2010

Publié dans Cité, Lille | Commentaires (0) |  Facebook | | | Isabelle

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