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22/05/2009

« Un dialogue à deux, sans l’Islam, irait dans une impasse »

Le Père Jacques Bernard, exégète ayant étudié entre autre à Jérusalem, livre un discours sans détour sur la question du dialogue judéo-chrétien, quelques jours après le retour du Pape de Terre Sainte.

p5_jacquesbernard.JPG« Je parlerais de dialogue à trois, parce que l’Islam est la troisième pousse du monothéisme fondé sur la croyance en un Dieu unique, un Dieu d’Alliance - donc de miséricorde. Retenons d’abord les progrès de ce dialogue, du fait que l’ignorance réciproque est un tout petit peu en retrait. À l’époque de Vatican II, un enthousiasme profond est né. On s’est dit “ça y’est, l’oecuménisme est arrivé !” Au bout de 20 ans d’études, je me suis rendu compte que tout est à faire. Et Benoît XVI, en bon théologien, en est conscient. Il est pour ce dialogue, mais sans naïveté, ayant lu des théologiens juifs comme Neussner (une première pour un Pape). Jean Paul II avait vécu les persécutions nazies, il avait avec les rabbins une amitié de combattant. Benoît XVI a, avec les rabbins, une amitié de penseur. Il se rend dans les synagogues et les mosquées, mais est assez bon théologien pour dire que tout commence seulement. Nous avons trois religions différentes. Pour le Judaïsme, la Torah est créée (par Dieu), préexistante à la Création. Dans l’Islam, le Coran est incréé (de nature divine), préexistant à la Création. Pour le Christianisme, le Verbe EST la personne du Christ qui “s’est fait chair et a habité parmi nous” ( J 1,14), également incréé préexistant au monde. L’Islam est donc proche du Christianisme, les deux étant hérités d’un judaïsme apocalyptique (c’est-à-dire qui est dévoilé par le Ciel, à l’inverse d’un judaïsme d’interprétation ; rien à voir avec Apocalyspe now !). Ce judaïsme a été excommunié, banni, suite aux répressions romaines en 70, car il était jugé trop révolutionnaire. Le Christ s’était naturellement placé dans la tradition apocalyptique. Voilà des débats essentiels, que 90 % des croyants ignorent. Dans ce sens, le voyage du Pape est unique, car il s’attache humblement, dans un pays où il y a 5 % de chrétiens, à rappeler l’importance de ce dialogue à trois. Le challenge de ce dialogue est d’entrer au cœur des questions théologiques. Et c’est un travail d’historien, d’exégète, mais nous aurons tous à en bénéficier. »

Entretien réalisé pour la Croix du Nord du 22 mai 2009

Publié dans Dieu, Lille | Commentaires (1) |  Facebook | | | Isabelle

Commentaires

On dirait qu'il s'agit de formules chimiques ; la formule du catholique, celle du protestant, du musulman, etc. ; Vatican II s'est amusé à faire ça, un classement des religions monothéistes par rapport au catholicisme, de la plus proche à la plus éloignée : ça n'a aucun sens !

L'Eglise catholique a toujours été extrêmement perméable aux théologies adverses qui se sont opposées à elle, à la Réforme au temps de la Réforme, à la doctrine albigeoise millénariste auparavant, qui a donné des théologiens millénaristes jusque dans les ordres suscités pour combattre le millénarisme albigeois ; les nouvelles orientations théologiques sont même presque toujours venues de l'extérieur de l'Eglise ou de dissidents. Tels furent à des degrés divers les grands scolastiques du moyen âge, Thomas d'Aquin, Roger Bacon, en butte à leurs hiérarchies.

Aujourd'hui où son influence est considérablement diminuée (pour ne pas dire complètement éteinte et rester poli), l'Eglise est encore largement sous l'influence d'idées extérieures, notamment l'idéologie laïque républicaine voire athée, un soupçon de marxisme naguère ; Joseph Ratzinger n'hésite pas à faire référence à des philosophes ouvertement athées, ce qu'il n'aurait pas pu faire en d'autres temps.
L'idée même d'oecuménisme défendue par ce père Bernard est presque entièrement une idée de journaliste laïc. Comment ne pas voir que ce qui sépare les musulmans et les chrétiens aujourd'hui, lorsqu'ils sont séparés, n'a rien à voir avec la théologie mais tout avec la politique internationale !

C'est une caractéristique des médiats, pour préserver l'idée laïque, de maintenir la fiction de la guerre entre religions, comme si les deux dernières guerres mondiales et les guerres coloniales n'avaient pas été motivées officiellement par des raisons extra-chrétiennes.

Personnellement je n'ai jamais éprouvé aucune difficulté à discuter de théologie avec un musulman, mais plutôt avec des chrétiens étant donné mon antimilitarisme.
L'oecuménisme fut déjà la grande affaire des Luthériens lorsque cela avait un sens, c'est-à-dire lorsque les différentes idées chrétiennes se partageaient l'Europe. Aujourd'hui la religion laïque est la principale religion, -ensemble de principes communs-, et comme elle refuse de se définir comme une religion étant donné sa nature réactionnaire, le dialogue est aussi difficile que du temps de l'Inquisition, si ce n'est impossible.
Si les protestants luthériens ont échoué à établir des rapports harmonieux autrefois, c'est sans doute parce que ce qui sépare les hommes n'est pas principalement d'ordre spirituel.

Écrit par : Lapinos | 23/05/2009

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