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07/01/2011

Irak : leur espérance est dans la résurrection du Christ


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bachar portraits 2.jpgCeci est le témoignage d'un irakien, paroissien de Notre Dame du Salut, où a eu lieu le massacre la veille de la Toussaint, le 31 octobre. Il n'y était pas, mais un grand nombre de ses meilleurs amis a trouvé la mort ce jour là. De France, il cherche à leur rendre hommage. Il est difficile de séparer sa foi de son témoignage. En Orient, la foi est enracinée dans l'identité de chacun, elle fait partie à la fois de l'intimité profonde de chaque personne et de l'identité particulière à chaque groupe, même si les questions religieuses ne sont évidemment pas à l'origine de la guerre en Irak. Il est par conséquent difficile de savoir si Bachar témoigne de la foi catholique à travers cet événement, ou s'il interprète cette événement à la lumière de la foi. C'est pourquoi la tonalité de ce récit est très religieuse.

bachar portraits.jpegBachar n'a pas précisé pourquoi il avait quitté l'Irak, voilà plusieurs mois. C'était avant le massacre de Bagdad le 31 octobre. Il parle à peine quelques mots de français ; c'est un professeur syrien qui traduit ses propos de l'arabe. Il a installé un drapeau d'Irak, bien visible aux yeux des étudiants français rassemblés dans cette aumônerie pour écouter son témoignage. Un grand jeune homme brun et mince, aux cheveux longs, au regard pénétrant si typique des orientaux. "Nous vivons en communauté, en Orient. Quand un membre du groupe est blessé, c'est tout le groupe qui est blessé". Il cherche à nous faire comprendre, comme il peut, sa blessure, qui est celle de l'Irak, et de ses frères chrétiens. C'est sur un air arabe qu'il commence à nous parler de ses amis Tha'er et Wassim, dont il nous montre des photos. Wassim, c'est son ami depuis l'âge de 15 ans : club de football, groupe biblique, paroisse... ils ne se quittaient plus. Tha'er est un orphelin qui a porté sa famille après la mort de son père pendant la guerre contre l'Iran, avant d'entrer au séminaire. Les photos défilent en même temps que les souvenirs : l'ordination diaconale de Wassim et Tha'er, leur ordination sacerdotale, un voyage au Vatican, une farandole de soutanes. Ici, dans un centre d'accueil pour handicapés. Là, avec la famille, en train de rire, de plaisanter. Un groupe d'étudiants universitaires, contre vents et marées. Le jour de son ordination, Tha'er a choisi une phrase : "Ma vie, c'est le Christ. Et puis d'autres visages défilent : ce médecin, ce chef de chorale... Une jeune mariée. Bachar les connaissait tous. "Cette jeune mariée a appris qu'elle était enceinte le matin du 31 octobre. Elle attendait la fin de la messe pour l'annoncer à son mari". Sur la photo, la jeune femme en blanc a l'air lumineux de celui qui choisit son chemin. Mais ce jour là, dans cette église de Bagdad de rite syriaque, il n'y a pas eu de fin de messe.

La voix de Bachar s'est mise à trembler alors qu'il raconte. Nous avons compris : son cœur est avec ses frères, dans cette église, ce jour là. "Tha'er prêchait en chaire. Pendant ce temps, Wassim était au confessionnal. Il y avait aussi un prêtre âgé dans l'assemblée. Ce jour, pour les syriaques, est un jour de bénédiction de la communauté. L'Évangile est celui de la reconnaissance par les apôtres de l'identité du Christ : « Pour vous, qui suis-je ? » Tha'er l'avait écrit : sa vie, c'était le Christ". Ce jour-là, il n'a pas pu finir son homélie.

"Des agressions, il y en a déjà eu", explique Bachar. "Nul ne sait, quand il sort de chez lui, s'il pourra rentrer. Et même chez nous, nous restons dans l'angoisse, dans l'incertitude. Bien-sûr, la mort fait partie de la vie... Mais en ce moment à Bagdad, vous pouvez recevoir quatre ou cinq coups de fil dans la même journée pour vous apprendre une mort, un enlèvement, une disparition... Ça fait sept ans, les gens s'habituent, on s'incline devant cette situation. On attend presque son tour. Mais ce qui est arrivé ce jour-là dans cette église, ça n'appartient pas au quotidien. Ce n'était pas un accident par hasard, dans la rue".

bachar église.jpgWassim est ressuscité

"Imaginez que vous êtes à l'église, en train de prier, ou en silence. Imaginez que soudain, vous entendez une explosion à la porte. Et d'un seul coup, des hommes armés entrent dans l'église... Imaginez que ça arrive chez vous, dans votre paroisse". Wassim quitte le confessionnal, se précipite vers ces hommes pour leur parler : "je suis le prêtre, je suis le responsable. Prenez-moi, mais laissez-les partir". "Infidèle !" lui répond-on. Quatorze coups de feu, et il tombe. Tha'er s'est précipité à son tour, et leur dit la même chose ; ils le trainent à l'autel et lui tire dessus. Le frère du prêtre se rue vers l'autel, il est tué également ; leur mère à tout deux, à son tour... blessée, elle reçoit ses deux fils dans les bras. Le massacre a duré 4h15. 52 personnes sont mortes. Les visages défilent à nouveau : non, ce soir, pour nous, ce n'est pas un chiffre présenté dans les médias. Bachar a collecté des photos du massacre. Cette jeune femme ensanglantée est encore assise sur sa chaise : elle est morte en priant. Le corps des prêtres, allongés sur le sol, une mare de sang sur les pierres. Ce bébé... ce bébé ! "Ils ont eu peur d'un bébé de quatre mois !" et tout ces corps, et tout ce sang. Bachar s'est arrêté sur une photo. C'est le sang de son ami d'enfance. "Dans la liturgie, après les lectures, il y a l'eucharistie. Normalement, le prêtre bénit le pain et le vin, ce vin qui va devenir le sang du Christ. Regardez ici : n'est ce pas du vin ? N'est ce pas du sang ? Ces photos, c'est le Christ qui refait sa Passion. Ce jour là, il y a eu 52 nouveaux martyrs qui ont donné leur chair et leur sang pour le message d'amour que le Christ annonçait". Et ça continue : lundi dernier, Bachar a appris au téléphone qu'une des rescapées, une jeune fille qui regrettait presque d'avoir survécu, a obtenu ce martyre qu'elle souhaitait, chez elle, dans sa maison. Le silence est pesant entre chaque phrase. Imaginez cette voix tremblante, qui parle en arabe, par des phrases courtes, presque hachées. La photo d'un jeune prêtre au regard brillant et au sourire émouvant, levant le calice. Son ami qui l'admire, le pleure et glorifie Dieu tout à la fois, sans haine, sans vengeance, avec le pardon et l'espérance comme seule réponse.

bachar enterrement.jpgIls auraient pu déserter l'église, mais elle se trouve bondée pour les funérailles. On est venu de partout, des musulmans aussi se sont déplacés : des gens du quartier, des amis, des voisins. "Il n'y a pas les musulmans d'un côté et les chrétiens de l'autre, nous sommes tous irakiens, nous vivons ensemble. Et depuis la guerre, eux aussi ils meurent. Depuis les américains. Ça fait sept ans", témoignera ensuite Bachar, dans un bon anglais. "Je suis content d'être ici", confesse t-il. "Mais je ne comprend pas, nous sommes dans une université catholique, pourquoi n'y a t-il pas plus d'étudiants ? Vous êtes tous catholiques ici, non ?" Son traducteur soupire presque : lui est un chrétien de Syrie, mais réside en France depuis de nombreuses années, et il est au fait de la réalité. Nous avons honte.

Alors que le reste de l'église était dévasté, l'icône de la Résurrection n'a pas été souillée durant ce massacre. "Nous souffrons, mais nous croyons en la résurrection. Wassim est ressuscité. Tha'er est ressuscité... l'amour ne meurt pas". "Mais où peut-on trouver l'espérance ?" demande un étudiant à qui la réponse échappe encore. Bachar répond dans un sourire : "le Christ est ressuscité."

bachar croix.jpg

Article vu sur Nouvelles de France

 

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