Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/07/2019

Les VIP du pèlerinage de Chartres

C'était la première fois de ma vie que je faisais partie du premier chapitre à entrer dans la Cathédrale de Chartres en ce lundi de Pentecôte.

Pour ceux qui l'ignorent, chaque année, plus de 10 000 pèlerins marchent de Paris à Chartres lors du pèlerinage de Pentecôte organisé par l'association Notre-Dame de Chrétienté. 10 000 pèlerins, ça n'entre pas dans une seule cathédrale, même celle de Chartres. Les places sont "chères", et la plupart des marcheurs doivent se contenter d'une place au soleil ou sous la pluie, sur le parvis et autour de la cathédrale, avec heureusement des écrans et des haut-parleurs pour suivre la sainte Messe.

Aussi, lorsque les pèlerins prennent la marche le lundi matin, seuls les premiers chapitres (groupes de pèlerins marchant ensembles durant les trois jours) savent qu'ils entreront ; et toute la journée, les resquilleurs s'affairent à remonter la colonne pour tenter de se faire une place parmi les élus.

Cette année, j'étais donc dans les premiers. On avait une sacrée pêche ! Une fois entrés dans la cathédrale, on nous fait asseoir à partir de la deuxième rangée. La première rangée est réservée. Nous nous sommes tous vaguement demandé à quels VIP étaient destinés ces sièges. Comment l'aurions-nous su, c'était la première fois en cinq ans que j'entrais dans la cathédrale ! Je n'avais jamais vu ces places. Quelle personnalité suffisamment importante allait venir assister à la Messe juste devant nous ?

Et puis bizarrement, quand nous avons vu entrer les VIP tant attendus, nous n'avons pas été surpris. C'était normal, en fait. On était même un peu étonné de s'être posé la question. C'était tellement évident, que ces places étaient pour eux.

Dans la paroisse de mes parents, une paroisse ordinaire de province, la première place leur est également réservée. Et chaque fois que je retourne m'asseoir après la communion je me fais la réflexion : à qui devons réserver les places d'honneur ?

... une fois à la maison, Jésus leur demanda :

« De quoi discutiez-vous en chemin ? »

Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit :

« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :

« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

Marc 9, 33-37 - AELF

.St_gilles_s.jpg .IMG_0487_s.jpg 

.pe_le___s.jpg

Publié dans Dieu | Commentaires (0) |  Facebook | | | Isabelle

09/07/2019

Affaire Vincent Lambert : la seule victoire qui compte dans l'éternité

« Si c’est un homme ? » C'est le premier travail des partisans de la mort d'un homme : retirer dans l'opinion publique les attributs de personne humaine à celui qu'on veut faire mourir, le déshumaniser pour le tuer proprement. On le fait passer pour une bête, ou mieux, pour un légume ; car la mort des animaux suscite encore trop d'émotion.

Mais M. Vincent Lambert était encore moins qu'un légume. C'est un symbole ; et les symboles ne bénéficient pas des droits de l'Homme ni des inquiétudes écologiques. Les symboles n'ont pas de citoyenneté, de nationalité, de vie, de corps ou d'âme ; ils n'ont même pas de consistances, de gènes, de cellules, de molécules. Les symboles sont des idées, des choses qui ne peuvent pas mourir puisqu'elles n'ont jamais été vivantes, pas vivantes au sens où on l'entend quand on est biologiste ou médecin. Les symboles n'ont pas un cœur de chair, ni d'artères, ni de poumons. Ou du moins ce cœur est symbolique ; c'est le noyau de leurs défenseurs. Leurs artères, c'est les médias, les réseaux sociaux, tout ce qui permet d'alimenter et de répandre le symbole. Leurs poumons, ce sont chacun de ceux qui apportent leur pierre à l'édifice en partageant, commentant, discutant du symbole. On ne tue pas un symbole ; on le fait disparaître. Le symbole n'est pas victime de meurtre : il est tombe dans l'oubli.

Il n'est plus nécessaire de faire passer un homme pour un légume, lorsqu'il est devenu un symbole ; ce serait lui donner encore trop de consistance. Mais surtout, sa mort devient inéluctable. Car le symbole est plus qu'un champ de bataille. Il est l'enjeu même de la bataille, l'arme absolue, par laquelle la bataille peut prendre un tour, ou une autre. S'il disparaît, un camp gagne. S'il perdure, ce même camp souffre une défaite terrible. Si sa résistance devait être entérinée de manière définitive par l'Institution, la défaite serait un Hiroshima, un Nagasaki. La pitié n'était déjà plus de mise avec sa déshumanisation. Mais sa symbolisation le rend désormais inaccessible à la raison. On n'a plus le choix ; maintenant qu'il devenu l'enjeu du combat, il faut gagner, et toute la guerre semble se réduire à cette seule bataille. Même les émotions les plus sincères contribuent au processus, quand ces émotions émanent de la bataille. Quand bien même M. Lambert aurait retrouvé des facultés cognitives lui permettant de converser au cours des dernières semaines, il serait resté muet aux oreilles du monde qui veut le laisser mourir.

On pensait donner à un homme plus de chance de survie en levant une armée pour le défendre. En levant cette armée, on a participé à faire de cet homme un symbole, rendant impossible pour le camp qui convoitait sa mort de rendre les armes avec discrétion - donc, rendant impossible une fin apaisée de la bataille. Car en levant une armée pour défendre un otage nous contribuons à en faire le symbole d’une cause. Son nom devient un point de ralliement. En un cri de victoire impersonnel qui ne vient ni d’amis ni de familiers mais de militants, d’inconnus, nous finissons le travail de déshumanisation. « On a gagné » ; voilà comment on appelle une défaite. « On », des inconnus qui pensent que des manifestants peuvent et doivent influencer une décision de justice ; le mal ne peut servir un bien, et on aura beau jeu de dénoncer par la suite l’influence de l’opinion publique sur les tribunaux quand ceux-ci rendent la décision que nous désapprouvons. « Gagné », un mot pour qualifier la simple reconnaissance de ce qui est pour nous une évidence. Pendant ce temps, la souffrance et la division continuent. Et plus on enfonce cette crise dans un combat qui dépasse la vie d’un seul homme, plus on le condamne à mourir : crier victoire, c’est réveiller l’ennemi. Car ne nous leurrons pas ; le sens de l'histoire, c'est la défaite de ceux qui prônent la vie et la dignité intrinsèque de l’Homme. Arrêtons de nous aveugler ! Le soir même où certains criaient victoire, il fallait un miracle pour que le barrage ne cède pas : l’étendard des perdants doit brûler, le symbole des vaincus ne verra pas l’aube de la victoire.

Les avocats ont réfléchi à ce qu'ils faisaient, et sans doute leur échec signifie-t-il seulement qu'il n'existait pas, en fait, de stratégie efficace ; simplement des possibilités de répits, des digues de sable pour arrêter les premières vagues de la marée montante.

Très bien, diront certains, il nous faut bien des champs de bataille, des armes – et pourquoi pas des martyrs ! – pour que la lutte continue. Mais là où mon cœur se serre, c'est que c'est bien un homme qui meurt, avec la complicité de ceux dont la mission était de veiller sur lui, et cet homme-là n’a jamais consenti au martyr. Voilà ; et c'est tout. Des condamnés innocents il y en a tous les jours. Ne les désincarnons pas trop vite en en faisant des symboles, si nous croyons en leur dignité. Et n'oublions pas que le combat essentiel c’est la gloire de Dieu et le Salut des Hommes. Au moment où ils seront face à l'Amour tout-puissant dont l'humanité lâche ou perfide leur a donné peu d'aperçu dans cette vie, quel sera le dernier - et parfois le premier – mouvement de leur cœur ? Un sursaut de miséricorde et d'amour ? Ou la révolte et la haine ?

Quand toutes nos paroles et toutes nos actions n’auront pas servi à sauver la vie de ceux qu’on aime, la prière silencieuse et humble qui accompagne les derniers souffles d’un Homme peut encore remporter la seule victoire qui compte dans l’éternité. Et prions aussi – surtout – pour ceux qui, n’ayant pas cette Espérance, voudraient priver de sa chaleur le cœur des Hommes de notre temps.

Publié dans Cité, Société | Commentaires (1) |  Facebook | | | Isabelle